Posté à 5h00
Léa Carrier La Presse
“Il faut que ça double cette année, parce qu’on creuse l’écart et mon fils va finir par se décourager”, déplore Dominique Dubois. Son fils de 9 ans, Lucas*, est un garçon persistant et facile à vivre qui aime apprendre. Un vrai battant, aux yeux de sa mère. Parce que Lucas a du mal à l’école. Dans son rapport final de 3e année, il a échoué en français, en mathématiques et en anglais. Pour le bien-être et la réussite de son enfant, Dominique Dubois veut répéter. C’est la troisième année consécutive qu’il en fait la demande, sans succès. Cette fois, le professeur et le professeur adjoint de Lucas lui recommandent également de poursuivre l’année scolaire. Même son pédiatre et son tuteur sont d’accord. Mais la direction de l’école de l’enfant, liée au centre de services scolaire (CSS) de Laval, a le dernier mot, qui, encore une fois, s’y oppose. Selon Mme Dubois, l’administration rapporte qu’en plus du français, des mathématiques et de l’anglais, Lucas a également obtenu la note de passage dans les autres matières. De plus, le garçon n’était pas accompagné d’un technicien en éducation spécialisée comme il aurait dû l’être par manque de main-d’œuvre. Cependant, la direction estime que le problème sera résolu l’année prochaine, rapporte Dominique Dubois. Avant tout, l’école veut éviter que Lucas redouble une année au milieu d’un trimestre scolaire, dans l’espoir qu’il s’appuiera sur ses acquis en 4e année. Par courriel, la CSS de Laval a refusé de commenter ce dossier pour des raisons de confidentialité. “La rentrée scolaire est mise en place de manière excellente, après analyse de toute la situation et du dossier de l’élève”, a simplement répondu la directrice de la communication Stella Duvall. Découragée, Mme Dubois contestera la décision de l’école devant une commission de révision le 22 août… une semaine avant la rentrée scolaire. Je crois en cela, que la majorité des enfants ne devrait pas redoubler. C’est une décision déchirante en tant que parent. Dominique Dubois
La répétition “doit être envisagée” dans certains cas
Au Québec, le consensus est que le redoublement n’est « pas une mesure d’accompagnement très efficace », explique Égide Royer, professeur agrégé à la Faculté d’éducation de l’Université Laval. Interrogé par La Presse, le ministère de l’Éducation a déclaré ne pas connaître le nombre d’élèves qui redoublent chaque année. Au primaire, un enfant ne peut redoubler qu’une seule fois. Au lieu de cela, les écoles devraient privilégier des mesures adaptées aux élèves en difficulté, telles que des programmes de rattrapage scolaire ou des programmes d’aide d’été. Toutefois, lorsque toutes les mesures d’aide ont été épuisées, le redoublement, combiné à un plan d’intervention, “doit être envisagé”, précise M. Royer. Déjà à la maternelle, le professeur de Lucas a remarqué un retard chez ses jeunes camarades de classe. Rien pour aider : Au cours de sa première année, la pandémie a forcé les écoles à fermer. Nous avons fait ce que nous avons pu avec les moyens disponibles, mais il a manqué quatre mois d’école, sans soutien. C’était comme le clou dans le cercueil. Dominique Dubois Au fil des années, les diagnostics de Lucas s’additionnent : trouble déficitaire de l’attention, autisme, dyslexie, dyslexie… Même entouré d’une équipe d’enseignants bienveillants, Lucas prend du retard. “Le neuropsychologue [que Lucas a consultée] c’est au moins un an et demi de retard en termes d’apprentissage, surtout en français », dit Mme Dubois. Arriver au lycée sans savoir lire, “est plus qu’un facteur de risque”, prévient le Dr Royer : “ça court après l’échec scolaire”.
Mettre l’enfant en premier
Régulièrement, la Fédération des syndicats de l’éducation (FSE) entend des cas d’administrations refusant le redoublement pour des motifs purement administratifs. “Pour trouver l’équilibre dans leurs classes, il y a des écoles qui vont prendre leurs décisions en dehors des recommandations des enseignants”, déplore la présidente de la FSE Josée Scalabrini. Le syndicat des enseignants réclame depuis de nombreuses années une large concertation sur l’évaluation au primaire, afin qu’elle soit “au service de l’élève et non de la machine”. [bureaucratique]. » Plusieurs variables peuvent expliquer qu’une direction refuse de répéter, nuance la directrice générale du Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique, Line Gascon. Par exemple : tous les outils technologiques et ressources humaines sont-ils à la disposition de l’enfant ? Est-ce une année de stratégie de répétition? Une chose est sûre, la direction doit “être en mesure d’expliquer la stratégie qui motive un refus”. “Ça doit s’inscrire dans une argumentation qui est pour le bien de l’enfant”, souligne la neuropsychologue. *Nom fictif pour protéger l’identité de l’enfant
apprendre encore plus
L’enseignement primaire est divisé en trois cycles : 1ère-2ème année, 3ème-4ème année et 5ème-6ème année