Posté à 7h00
                Laila Maalouf La Presse             

Entre deux états d’esprit on le retrouve chez lui, sa maison de plus d’un siècle sur le Plateau Mont-Royal, où il nous montre tous les détails qui font le charme de la maison – fruits de son “multi-artisan”. côté”. Depuis une semaine maintenant, il vacille dans une zone flottante où la réalité de ce saut dans le vide volontaire n’est pas encore bien ancrée. Normalement à cette époque je suis en vacances jusqu’en août. J’essaie donc de me rapprocher de ce mode vacances et de me détendre. Denis Gagné Pour la première fois en 38 ans de carrière à la télévision, Denis Gagné lui-même a pris le couperet lorsqu’il a annoncé l’hiver dernier sa décision de quitter l’émission à la fin de la saison. « La nostalgie du vertige de la page blanche » avait-il compris. “C’est la première fois que c’est moi qui décide de partir. Sinon, j’étais toujours expulsé ou le spectacle était emporté », dit-il succinctement. Les semaines de galop de travail, de tournages, de rencontres, de recherches, de dégustations et de bancs d’essais sont passées. Mais il n’a jamais pensé au mot “retraite”. « C’est plus un retrait, pour ainsi dire. À court terme, je vais y aller doucement. Je ne veux pas revenir si fort maintenant. » À 64 ans, Denis Gagné voulait écrire un nouveau chapitre, loin du rythme effréné d’une émission hebdomadaire qui produit 50 épisodes par an et qu’il présentait d’abord avec Marie-Josée Taillefer puis avec Johanne Despins depuis 2007. PHOTO AVEC LA COURTOISIE DE RADIO-CANADA Denis Gagné et Johane Despins L’épicerie représente un tiers de ma vie. La moitié de ma vie professionnelle. J’ai adoré faire le spectacle. c’était parfait. Denis Gagné Puis il y a eu ces matins, avec la pandémie, où il se réveillait avec le sentiment que “c’était le boulot”. L’appel de la campagne aussi s’est accru avec cette maison construite à Bromont, il y a 11 ans, sur le terrain d’une ancienne ferme familiale où l’artiste sherbrookois a fondé une coopérative agricole, Oak Hill Farm. « Vous êtes au bord d’une falaise, en quelque sorte. Cela ne signifie pas que vous allez sauter. cela signifie simplement reprendre le contrôle. Qui suis-je maintenant ? Et qui suis-je, pour les 10 prochaines années ? »

Témoin agroalimentaire

Même s’il reste modeste sur ses sentiments, on comprend que la décision n’a pas été facile. “C’est beaucoup… parce que c’est dur de quitter des gens qu’on aime, des gens avec beaucoup de talent”, dit-il simplement pensif. En deux décennies, il a été un témoin privilégié de la transformation de l’alimentation et de l’agriculture au Québec. « Cela a tellement changé. Nous sommes passés du café instantané à l’espresso de la troisième vague. Du fromage industriel au fromage fermier. Fromage, cidre, vin, bière… on est totalement détendu maintenant avec tous les produits locaux. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE Denis Gagné Il y a vingt ans, peu nous importait ce qu’il y avait dans le produit. L’aspect pratique et le prix ont prévalu. Nous sommes devenus prudents et éduqués sur le contenu des aliments et cela complique la vie des industriels qui ne peuvent plus rien faire. Denis Gagné Il est également heureux de voir le mélange culinaire qui s’est répandu dans les supermarchés où l’on trouve désormais de tout, du curry au kimchi. Mais combien de fois a-t-il voulu intervenir dans l’actualité touchant le monde rural, contraint par le devoir de réserve que lui impose son statut de journaliste ? Sans en arriver à faire de la politicaillerie, comme certains lui ont souvent suggéré – « parce que je ne veux pas travailler plus, je veux travailler moins ! s’exclame-t-il en riant – n’excluant pas l’idée de dire ce qu’il pense “de temps en temps”, maintenant qu’il le peut. Sinon, des projets, il en a plein la tête. A commencer par la rénovation de la grange de la ferme. Et puis il y a ce cours de sérigraphie qu’on lui a proposé. Et pourquoi pas quelqu’un d’autre apprend l’espagnol ? Qui sait, peut-être sortira-t-il même sa vieille guitare. “Tous ces trucs qu’on ne fait pas ‘à cause du travail’… parfois c’est juste un prétexte. On verra si la guitare sort de son étui. J’ai hâte de voir où ça me mène, tout ça .” Une chose est sûre, il s’amusera toujours à visiter les marchés de rue, ici ou lors de ses déplacements. D’ici là, il nous souhaite “bonne épicerie”, pour la dernière fois. La dernière émission de L’épices avec Denis Gagné sera diffusée mercredi à 19 h 30. par Radio-Canada et rendra un hommage particulier à l’animateur tout en soulignant le 20e anniversaire de l’émission avec des hommages aux fans de longue date.