Publié à 16h44 Mis à jour à 17h19
Mélanie Marquis La Presse
L’exception risque d’irriter l’Ukraine, qui fait pression pour persuader Ottawa de ne pas baisser les bras et risque ainsi de nuire à l’unité des alliés occidentaux sur le régime de sanctions actuel contre Moscou. L’Allemagne, pour sa part, prêchait le contraire. Le Canada se retrouve donc entre le marteau et l’enclume, obligé de choisir entre deux alliés importants et de déplaire à l’un d’eux. Cependant, la balance a penché en faveur de Berlin. “Le Canada accordera à Siemens Canada une licence révocable et limitée dans le temps pour permettre aux turbines Nordstream 1 réparées de retourner en Allemagne, soutenant ainsi la capacité de l’Europe à accéder à une énergie fiable et abordable”, a déclaré le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, dans un communiqué. Car “en l’absence de l’approvisionnement nécessaire en gaz naturel, l’économie allemande connaîtra des difficultés très importantes et les Allemands eux-mêmes risquent de ne pas pouvoir chauffer leurs maisons à l’approche de l’hiver”, ajoute-t-il – dans le même communiqué. Au passage, il accuse le Kremlin de tenir l’Europe en otage à l’approche des mois d’hiver et de chercher à « exploiter l’instabilité qu’ils ont créée pour justifier de déstabiliser davantage la sécurité énergétique européenne ». Malgré l’exemption accordée, le gouvernement canadien « continuera de travailler en coordination avec [ses] alliés et partenaires pour imposer des coûts importants au régime russe », et continuera d’imposer des sanctions aux plus de 1 600 grévistes de Moscou, a assuré le secrétaire Wilkinson.
“Cédez au chantage russe”
L’ambassadrice de Kyiv à Ottawa, Yulia Kovalev, avait exhorté vendredi le gouvernement canadien à assurer “le respect du régime de sanctions actuel” en lien avec l’affaire. Le Congrès des Canadiens ukrainiens a également lancé le même appel dans une lettre du 6 juillet à plusieurs ministres. “C’est une façon de tester la détermination du gouvernement canadien à maintenir les sanctions et à continuer d’isoler la Russie”, écrit la présidente du groupe, Alexandra Chyczij, dans la missive adressée à Justin Trudeau et à trois ministres, dont Jonathan Wilkinson. « Tout écart par rapport aux sanctions canadiennes serait perçu comme une capitulation face au chantage russe et au terrorisme énergétique et ne servirait que l’audace de l’État terroriste russe, avec des conséquences négatives de grande portée », a-t-il insisté. Le propriétaire et exploitant du pipeline de 1 200 kilomètres entre la Russie et l’Allemagne, Gazprom, figure sur la liste canadienne des entreprises visées par des sanctions économiques. La société a fait valoir qu’en l’absence de cet équipement, une baisse de volume serait inévitable. Fin juin, dans un courriel envoyé à La Presse, le géant allemand affirmait que « pour des raisons techniques, la refonte de ces turbines à gaz aéro-dérivées, fabriquées au Canada [pouvait] avoir lieu uniquement dans les installations de Siemens à Montréal ».
Annonce de nouvelles sanctions
Comme pour adoucir la pilule, la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a annoncé samedi l’intention du gouvernement Trudeau d’imposer de nouvelles sanctions économiques “contre des secteurs économiques clés” à la Russie. La nature exacte des sanctions n’a pas été clarifiée, mais cette fois-ci, elles visent la fabrication industrielle. Les sanctions s’appliqueront “aux transports terrestres et aux pipelines ainsi qu’à la fabrication de métaux et de transport, aux ordinateurs, aux équipements et machines électroniques et électriques”, indique le communiqué publié par le cabinet. Une fois ces mesures en place, les entreprises canadiennes auront 60 jours pour conclure des contrats avec les industries et services ciblés, précise-t-il également.