Posté à 5h00
Frederik-Xavier Duhamel La Presse
L’usine de Canadian Electrolytic Zinc Limited (CEZinc) à Salaberry-de-Valleyfield produit annuellement plus de 260 000 tonnes de zinc et d’importantes quantités d’acide sulfurique. Il est géré par la multinationale Glencore, la société à l’origine de la fonderie Horne. Glencore fournit également la raffinerie, selon son site Internet. Le Port de Valleyfield a proposé à CEZinc de transporter un peu moins de 100 000 tonnes de concentré de zinc par année par bateau plutôt que par camion entre Trois-Rivières et Salaberry-de-Valleyfield. Selon Jean-Philippe Paquin, directeur général du port, cela réduirait les émissions de gaz à effet de serre d’”environ 1 000 tonnes par an dans un premier temps, ce qui pourrait facilement être doublé par le volume qui pourrait potentiellement passer à l’eau”. Cela évitera également que plus de 3 000 poids lourds traversent la commune chaque année. Selon le plus récent rapport du Québec, les véhicules lourds représentent près de 29 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports – le secteur qui produit le plus de GES au Québec – comparativement à 3 % pour le transport maritime. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE L’usine CEZinc est située près du port de Valleyfield. « Une réduction des émissions de 1 000 tonnes me semble très réaliste », a déclaré Jacques Renaud, codirecteur du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprises, la logistique et les transports (CIRRELT), à qui La Presse a demandé de commenter les chiffres. « Par contre, il y a beaucoup d’enjeux logistiques et opérationnels derrière cela », ajoute le professeur de l’Université Laval. Cela passe bien sûr par un changement de logistique, mais nous sommes convaincus que les bénéfices en termes de GES [le] justifierait. D’autant plus que le port se trouve juste dans la cour arrière de l’entreprise. Miguel Lemieux, maire de Salaberry-de-Valleyfield Des extraits de procès-verbaux du conseil d’administration du port obtenus par La Presse montrent que Glencore a refusé ou ignoré sa proposition à plusieurs reprises, même si Québec avait promis de compenser les pertes. “Plusieurs réunions ont eu lieu, sans toutefois aboutir à un accord, faute de coopération et [de] CEZinc Information Sharing », indique le procès-verbal du 23 mars. Claude Reid, député de Beauharnois et adjoint parlementaire au ministre délégué aux Transports, est impliqué depuis le début des discussions en juin 2021, selon le procès-verbal. Il a rencontré à plusieurs reprises Paul Einarson, PDG de CEZinc, ainsi que des dirigeants portuaires. « En décembre 2021, Roland Czech [président du C.A. du Port] est retourné voir Paul Einarson en compagnie de Claude Reid pour donner suite à la proposition de Port », lit-on encore dans ce procès-verbal. « Encore une fois, CEZinc n’a pas donné suite, alors que Claude Reid a déclaré que le gouvernement s’était engagé à couvrir les surcoûts engendrés par le transport maritime. M. Reid a refusé nos demandes d’entrevue. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE La transition de CEZinc vers le transport maritime réduirait les émissions de gaz à effet de serre d’”environ 1 000 tonnes par an dans un premier temps, ce qui pourrait facilement être doublé par le volume qu’il pourrait potentiellement transiter par voie d’eau”, selon le directeur du port de Valleyfield.
Manque de communication
Dès la première rencontre, « il était entendu que CEZinc devait contacter le port et partager les frais réels inhérents au transport des camions entre Trois-Rivières et Salaberry-de-Valleyfield », peut-on lire dans le procès-verbal du 23 mars. « Ce que CEZinc n’a jamais fait. » Cela “a rendu la vie très compliquée” à l’autorité portuaire, déplore M. Paquin, ajoutant que l’entreprise a “toujours affirmé” que les propositions du Port coûtaient plus cher que les camions. CEZinc, appelé à répondre, affirme avoir communiqué, “de bonne foi, l’ordre de grandeur des frais de transport dans la limite des clauses contractuelles de confidentialité existant avec ses transporteurs”. Le procès-verbal du 27 avril note que M. Paquin “rappelle à CEZinc que le gouvernement voulait retirer les camions de la route et était prêt à compenser les pertes pour changer de mode de transport”. Pas de problème, M. Einarson de CEZinc “a réaffirmé que selon leurs calculs, le transport par barge leur coûterait 1 million de dollars supplémentaires”. En réponse aux questions de La Presse, Dany Beaudoin, directeur du commerce et de la gestion des risques chez CEZinc, précise que l’entreprise “n’a reçu aucune offre formelle ou informelle de compensation pour les coûts supplémentaires associés au transport par barge”. Il soutient également que “l’option du transport ferroviaire est préférable depuis lors [la société a] une infrastructure en place à un coût compétitif et qui [comme le camionnage] il réduit le nombre de manutentions, réduisant ainsi le risque environnemental en plus d’être disponible toute l’année. Cependant, CEZinc n’a pas de “calendrier spécifique” pour cette transition. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Jean-Philippe Paquin, directeur général du Port de Valleyfield Ceci est interprété comme une excuse pour ne pas prendre au sérieux le transport maritime. Transporter quelque chose en train sur 200 kilomètres n’est pas réaliste. Jean-Philippe Paquin, directeur général du Port de Valleyfield «C’est considéré comme très court», explique le professeur Renaud, de l’Université Laval. « Il faudrait regarder la configuration du réseau ferroviaire dans cette zone, mais en général, on se dit que ça vaut le coup de prendre le train quand on est dans la fourchette de 600 à 800 km. » Un appel a eu lieu le 10 mai entre la sous-ministre des Transports Chantal Rouleau et les autorités portuaires pour débriefing. Le ministre a été “informé de l’impasse avec CEZinc pour que ce dossier continue”, lit-on dans le procès-verbal du 27 mai. Mme Rouleau a décliné notre demande d’entrevue. “Le gouvernement veut favoriser le transport maritime à courte distance car c’est une bonne solution pour réduire le transport routier et réduire les gaz à effet de serre”, indique son bureau. Une enveloppe de 100 millions est disponible à cet effet et nous continuerons à soutenir les partenaires [admissibles], incluant le port de Valleyfield. »