L’inflation a considérablement augmenté les prix des denrées alimentaires. Sylvain Charlebois Directeur principal, Laboratoire des sciences analytiques agroalimentaires, Université Dalhousie, collaboration spéciale
Blâmer certaines entreprises alimentaires pour “escroflation” semble facile, mais il faut faire la distinction entre les bonnes pratiques commerciales et les abus dans l’industrie alimentaire. Posté à 8h30 Les allégations de fraude dans l’industrie alimentaire ont atteint un niveau record. Selon un récent sondage, 68 % des Canadiens croient que les entreprises alimentaires profitent du cycle inflationniste pour augmenter les prix, et pas seulement au détail. Alors que le Québec et la Colombie-Britannique ont maintenant des recours collectifs contre l’industrie du boeuf, de nombreux groupes commerciaux et politiciens demandent au gouvernement fédéral d’enquêter. Nous entendrons des consommateurs se plaindre de prix trop gonflés dans divers secteurs, notamment l’automobile, les télécommunications, les produits pharmaceutiques et les compagnies aériennes. Mais dans le secteur alimentaire, l’équilibre entre profits et sécurité alimentaire reste incroyablement délicat. Outre l’énergie, la nourriture devient l’élément le plus volatil lors de la mesure de l’inflation, principalement en raison de la facilité avec laquelle les matières premières sont affectées par les conditions météorologiques, la main-d’œuvre et la géopolitique. La moitié des produits d’une épicerie sont périssables et dépendent des chaînes du froid. Acheminer la nourriture de la ferme au magasin ou au restaurant reste une bataille quotidienne. Les problèmes signifient plus de déchets, plus de coûts et des prix alimentaires plus élevés. Facile à blâmer les entreprises alimentaires. Les détaillants tels que Provigo, IGA et Metro sont les plus touchés par les consommateurs en raison de leur rôle. Au cours des dernières semaines, un certain nombre de personnes ont critiqué les épiciers pour avoir affiché des bénéfices historiquement élevés et les ont accusés de profiter du cycle inflationniste actuel. En regardant la performance financière de nos trois plus grands épiciers, nous remarquons que les chiffres sont restés stables pour la plupart d’entre eux. Notre plus grand épicier, Loblaw, a affiché de solides ratios de marge brute et de profit depuis 2017. Alors que les marges brutes varient entre 29,35 % et 31,47 %, les bénéfices varient entre 1,64 % et 3,53 % . Pour Empire/Sobeys et Metro, les résultats sont similaires. Les marges brutes d’Empire/Sobeys variaient entre 23,97 % (2017) et 25,47 % (2021) et les bénéfices variaient de 0,67 % (2017) à 2,48 % (2021). Pour Metro, on observe des fluctuations similaires sauf en 2018 où la rentabilité a atteint 11,93 %, probablement en raison de l’acquisition des pharmacies Jean Coutu. En effet, les bénéfices et les marges ont augmenté, mais seulement légèrement. Par rapport aux institutions bancaires et aux autres acteurs importants de notre économie, l’écart reste relativement faible. Nous devons également garder à l’esprit que de nombreux Canadiens bénéficieront de ces résultats financiers décents, car la plupart des régimes de retraite au Canada détiennent des actions dans au moins un des trois grands détaillants alimentaires. Cependant, toute preuve de fraude dans l’industrie canadienne de l’alimentation au détail est faible. Cela ne veut pas dire que la fraude n’existe pas dans l’alimentation. Les prix de certaines catégories de produits sont incroyables. Mais quelle est la limite acceptable pour nous tous ? Essentiellement, à quoi ressemble exactement un prix très élevé ? Certains consommateurs paient encore volontairement 28 $ pour des steaks à l’épicerie, ce qui fait augmenter les prix pour le reste d’entre nous. Offre et demande. Au-delà des détails, d’autres maillons de la chaîne d’approvisionnement restent plus difficiles à analyser, de nombreuses entreprises du secteur privé ne divulguant pas le contenu de leurs différents contrats. En tant que tel, des recherches supplémentaires sont nécessaires et les consommateurs ont parfaitement le droit d’être sceptiques, étant donné que nous avons eu notre part de scandales de fixation des prix ces dernières années. Le système de tarification du pain nous en a donné un bon exemple. Tout le monde gagnerait à examiner différents domaines de l’industrie alimentaire, au-delà de la vente au détail, pour mieux comprendre le fonctionnement de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire. Une enquête menée par le gouvernement profiterait à tout le monde, mais devrait avoir une portée limitée car l’industrie est complexe. L’inflation alimentaire atteindra bientôt un sommet au Canada. Les prix alimentaires continueront d’augmenter dans les mois à venir, mais à un rythme beaucoup plus lent. L’année 2022 était censée permettre la reprise après la pandémie, mais la Russie avait d’autres plans. Il faut garder à l’esprit que l’inflation alimentaire reste un phénomène économique tout à fait normal. Pour que l’industrie soit bien outillée afin que les Canadiens puissent obtenir des produits de qualité à des prix stables, les prix doivent continuer à augmenter. Les derniers mois ont cependant été insupportables pour de nombreuses familles. Le taux d’inflation alimentaire idéal devrait se situer entre 1,5 % et 2,5 %, ce que nous atteignons depuis vingt ans, à l’exception des derniers mois. Les Canadiens ont une industrie alimentaire solide, mais l’abordabilité des aliments a été un défi pour bon nombre d’entre nous. Mais, nous devons regarder la “scrotification” logiquement avant de blâmer qui que ce soit, de toute façon.