Pendant un moment, nous avons cru à la belle histoire. Imaginez la victoire de Chris Froome, le jeudi 14 juillet, au sommet de l’Alpe d’Huez dans la 12e étape du Tour de France. Le scénario était presque trop parfait. L’ancien vainqueur accompli mal aimé de l’ascension, où il avait été hué et aspergé de bière quatre ans plus tôt. Mais depuis sa chute en marge du Critérium du Dauphiné en 2019, le quadruple vainqueur du Tour n’est plus le même cycliste et le regard du public est plus tendre. Le champion implacable a cédé sa place à un coureur audacieux qui, à 37 ans, s’accroche à la promesse de jours meilleurs, aidé par son généreux contrat d’entraînement, Israel Protech. “Ma relation avec l’Alpe d’Huez n’a pas été la meilleure au fil des années. J’ai souvent souffert à l’intérieur [s]les lacets. Alors j’aimerais essayer de changer ça si possible”, a glissé le Britannique, avant le coup d’envoi. Mais lors de cet ultime run alpin, s’il en avait le cœur, Christopher Froome n’avait pas le moteur pour terminer ses 1 509 jours sans victoire. Le propos est peut-être ailleurs. Il a réussi à se convoquer sur le podium d’un Grand Tour pour la première fois depuis 2018 (3e en 2min 6sec) et a eu raison de retarder encore plus son abandon. Revivez l’étape 12 du Tour de France : Tom Pidcock s’impose à l’Alpe d’Huez, Jonas Vingaard consolide son maillot jaune
C’est son compatriote Tom Pidcock qui a vécu jusqu’à son ivresse pour franchir le premier la ligne blanche à l’issue des vingt et un virages à l’Isère, noire de monde. Absent du premier groupe coupé en début d’étape, l’Anglais d’INEOS Grenadiers s’est rattrapé après une leçon de descente sur le Col du Galibier. L’olympien en titre du VTT a ensuite déchaîné ses quatre derniers compagnons d’échappée sur les premières rampes en montée de l’Alpe. Tom Pidcock a-t-il deviné ses compétences d’escalade encore émergentes? “Je pensais que c’était idéal pour lui d’être devant, j’avais un œil sur lui. Deuxièmement, nous aurions trop joué au poker et il serait venu par derrière. Mais je n’ai jamais réussi à le rattraper”, regrette Louis Meintjes, 2e et battu de 48 secondes. Une fois au sommet, Tom Pidcock éclate en sanglots : « C’est une de mes meilleures expériences. C’est juste incroyable… J’ai remporté ma première victoire sur le Tour de France à l’Alpe d’Huez ! « A 22 ans, le jeune homme calibre encore les grands tours après une première participation moyenne à la Vuelta 2021. Sur les routes françaises, il semble plus à son avantage. “Il a été fantastique”, a-t-il félicité son coéquipier, le Gallois Geraint Thomas, qui a gagné au même endroit en 2018. “Il a été vraiment bon depuis le début de ce Tour et c’est une belle récompense. » Lire aussi : Article pour nos abonnés Malgré son engouement et sa concurrence, l’Alpe-d’Huez a une légende tenace

« Cette tournée n’est pas terminée. Il n’abandonnera jamais”

                   Le Britannique Thomas Pidcock lors de l’ascension de l’Alpe d’Huez le 14 juillet.  DANIEL COLE/AP  

Au lendemain de la prise de relais de Jonas Vingegaard au col du Granon (Hautes-Alpes), cette deuxième étape de haute altitude n’a pas été “aussi difficile” que prévu, résume – entre deux toux – le Français Pierre Rolland. « La sécession est allée facilement au Lautaret [la première ascension]derrière Jumbo, il a donné le tempo, donc c’était bien”, développe le pilote B&B Hotel – KTM. Lisez aussi: Jonas Vingaard et Granon battent l’invaincu Tadej Pogacar
Sous une chaleur étouffante – 36 points ont été enregistrés au pied de l’Alpe d’Huez – les prétendants aux premières places du classement général ont attendu la montée finale (13,8 km à 8,1 %) pour entamer les grandes manœuvres. Jumbo-Visma du maillot jaune du Danemark a imposé son train, du coup elle a arraché le peloton. Tadej Pogacar a tenté par deux fois d’attaquer dans les derniers kilomètres, il ne pourra pas décrocher Jonas Vingaard de ses roues. “Après hier, je n’avais pas autant de confiance que je l’aurais souhaité”, explique le double tenant du titre. je m’y attendais [les coureurs de] Jumbo-Visma contrôle le match de cette manière car ils ont une très bonne équipe pour le faire. Quand j’ai essayé d’attaquer, Jonas n’a jamais contre-attaqué, ce que j’aurais aimé, ça m’aurait permis de répliquer à mon tour. Mais il m’a juste suivi et je n’étais pas assez fort pour le laisser partir. » Rien d’inquiétant Rafal Majka : « Tadej a essayé d’attaquer aujourd’hui. Je vais réessayer. Cette tournée n’est pas terminée. Il n’abandonnera jamais”, promet le lieutenant polonais du Slovène dans les montagnes. Ce jeudi, les Français ont limité l’échappée. A l’assaut de la montée finale, David Gaudu, 13e du jour, conserve sa 7e place au général. Victime du “coup de chaleur” de l’Alpe d’Huez, Romain Bardet cède sa place sur le podium provisoire (4e) mais ne regarde jamais plus de neuf secondes derrière Geraint Thomas (3e). « J’ai dû traîner un peu pour arriver à destination. C’était une question de management, j’ai préféré prendre mon rythme. C’est aussi le Tour de France : les jours où tu vas moins bien, il faut savoir se retenir », argumente Auvergnat. “Tout le monde souffrait de la chaleur. Dans les jours qui viennent, il faudra vraiment faire attention à bien s’hydrater, il y a un risque de déboires », abonde Valentin Madouas (Groupama-FDJ, 14e). Le peloton quitte les Alpes vendredi, mais pas la chaleur, avec au programme de cette 13e étape : 193 kilomètres de dénivelé entre Bourg-d’Oisans (Isère) et Saint-Etienne (Loire). Notre sélection d’articles pour le Tour de France 2022 Aude Lasjaunias (Alpe d’Huez (Isère), envoyée spéciale) et Alexandre Pedro (Alpe d’Huez (Isère), envoyé spécial)