Dimanche 17 juillet, le Festival international du journalisme de Couthures-sur-Garonne, organisé par le groupe Le Monde, a fermé ses portes après trois jours de débats, conférences, documentaires, projections en plein air… Au cœur de ce village de 370 habitants, quelque 6 000 festivaliers, curieux de comprendre les dessous du journalisme, sont venus y passer un, deux voire trois jours. Nouveauté pour cette 7ème édition, l’accès gratuit au festival, dès 18h, pour des soirées projections et débats, qui a attiré près de 700 personnes supplémentaires. Revue avec la journaliste, productrice et animatrice belge, Charline Vanhoenacker, marraine de l’édition 2022.

Je connaissais le festival de la célébrité et quand j’ai reçu l’offre, je me suis dit : « D’accord, ce festival est cool ! Je savais que c’était une très bonne suggestion. Et puis, je n’ai pas pu m’éloigner de Benoît Poelvoorde [parrain du festival en 2018] le monopole du parrain belge ! J’ai une formation de journaliste et j’ai travaillé pendant des années comme correspondant à Paris pour des journaux belges et suisses, alors un festival de journalisme qu’on m’a demandé de parrainer me touche forcément car l’information reste au cœur de mon travail. Il y a aussi, peut-être, un effet post-pandémie où ce genre de proposition ne peut pas être rejeté, car rencontrer des gens aujourd’hui, c’est précieux.

Et au terme de ces trois jours, ce festival était-il “cool” et à la hauteur de vos attentes ?

Tout d’abord, je suis étonné par l’ampleur de l’événement. On m’avait dit que le village était tout petit… C’est vrai, mais j’ai aussi vu beaucoup d’invités, des fêtes, deux cents réunions et tables rondes. En fait, je ne suis pas surpris que nous soyons deux sponsors belges de l’événement car il a vraiment ce côté bon enfant qu’on adore ! J’ai été très ému de voir le petit et le grand éditorial. Il est très rare de voir des enfants arrêter des adultes dans la rue et leur poser des questions avant de retourner à leur bureau pour écrire leur devoir. En tant que marraine je suis en position de rencontrer le festivalier, le bénévole, les gens qui viennent me parler de tout et de rien. Mais je découvre aussi des intervenants comme Fiona Schmidt (journaliste féministe Instagram) que je ne connaissais pas et les écoute parler. Assis les fesses sur l’herbe ou sur une botte de foin sous les arbres, c’est un cadre idyllique pour réfléchir, discuter et renouer des liens. Mon seul regret a été d’avoir manqué quelques tables rondes. Heureusement, des personnes sont venues me voir…

Pouvez-vous nous parler des speed dating que vous avez rencontrés avec les festivaliers ?

Cela m’a permis de rencontrer des personnes d’âges différents, animées par des questions diverses. D’un point de vue géographique nous venions de toute la France, avec un gros tiers, voire la moitié des spectateurs de la région, mais aussi un bon nombre du Nord, de Nantes… J’ai été impressionné par le nombre de jeunes bénévoles qui parmi eux – sur le parking ou ailleurs – trouvaient le temps, dès qu’ils avaient un moment de libre, de venir discuter ou écouter une réunion. Ils veulent en profiter pleinement. Et puis j’ai apprécié ma discussion avec les maires de Couthures et de Marmande. Je suis content de voir comment les politiciens réagissent quand ils viennent ici, avec les habitants…

Est-ce un sujet qui vous intéresse ?

Bien sûr, en tant que comédien politique, étudier comment les politiciens nationaux réagissent et interagissent m’intéresse. Ici, j’ai pu avoir un avant-goût de la façon dont les politiciens locaux traitent les résidents. J’ai vu le président de la région Nouvelle-Aquitaine, le sous-préfet, le maire de Bordeaux… C’est aussi l’occasion de pouvoir discuter avec Edwy Plenel, Louis Dreyfus, Alain Weil… Ce ne sont pas des gens que je rencontre , et c’est amusant de les entendre d’ici.

Au menu de ces trois jours, lesquels avez-vous aimé ?

Vendredi matin, je me suis dit que j’irais à la première conférence assez longtemps pour observer, repérer un peu les lieux. C’était « Sommes-nous trop nombreux sur la planète ? », je me suis laissé captiver et je suis resté… Hier, j’ai écouté « l’avis mec et Cnews », c’était passionnant. Comme le débat entre Edwy Plenel et Louis Dreyfus vendredi sur les milliardaires et la presse. Cette question de la “concentration des médias” m’a également passionné, elle reste une curiosité pour moi, en tant que Belge. Et il était intéressant de constater l’engouement du public pour ces ateliers. Lire aussi : Festival international du journalisme : trois jours pour revenir sur une folle année de l’actualité
En tant que journaliste, animateur radio, j’ai adoré les interactions avec le public, les questions qui étaient posées. De nombreux festivaliers sont très bien informés, intéressés par le journalisme et posent des questions d’approfondissement. Tous les ingrédients pour engager la conversation. J’ai remarqué comment dans un atelier, un festivalier a osé faire un demi-discours complotiste. Les journalistes et les modérateurs n’ont pas eu à riposter ou à se disputer, toute la salle a réagi.

Qu’est-ce qui vous a marqué ?

La première croix Couthura, Marcel. C’est lui qui m’a accueilli à la gare. Dans la navette qui m’a amené ici, nous avons parlé de son travail d’agriculteur, du manque d’eau, de ce que nous cultivons. Il m’a montré les plantations de kiwis, de peupliers… Pour moi la fête a commencé sur le quai de la gare. Et puis un soir, j’ai eu une réunion au clair de lune qui s’est terminée à minuit. Les stands de nourriture du festival fermaient. Les éleveurs locaux qui nourrissent tout le monde pendant la journée ont partagé des mojitos avec moi jusqu’à 1h du matin. C’est aussi la fête. Lire aussi : Charline Vanhoenacker : “Les comédiens n’ont qu’une épée en mousse pour chatouiller les orteils des puissants”
Au-delà de ces rencontres avec Couthures, je reste très impressionné par l’intérêt du public pour la pratique du journalisme. Tout le temps on nous crie dessus… et puis quand les festivaliers ne sont pas d’accord et ont quelque chose à dire, ils l’expriment simplement, avec des arguments. Si je dois donner une image du festival, c’est celle du premier jour : le TER rempli de jeunes équipés en matériel de camping, allant non pas à un festival de rock mais au festival de journalisme. Ce serait bien l’année prochaine d’élargir à d’autres élèves, ou à d’autres écoles, avec un peu plus de diversité. Si je dois mettre un bémol, c’est ce manque de diversité, tant parmi les intervenants que de la part des festivaliers. Claire Mayer (Bordeaux, Correspondante)