Posté à 5h00
                Jean-Thomas Léveillé La Presse             

Ethan Valois a établi un triste record : celui de l’enfant de Rouyn-Noranda avec la plus forte “concentration d’arsenic dans les ongles” parmi ceux testés. Le garçon maintenant âgé de 7 ans avait 5 600 nanogrammes d’arsenic par gramme d’ongle (ng/g) lorsqu’il a été testé pour la première fois en 2019. C’est près de 15 fois la moyenne de la région de Notre-Dame, près de la fonderie Horne, qui est 377 ng/g. La moyenne du quartier est elle-même près de quatre fois supérieure à celle de la population non exposée d’Amos. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Ethan, maintenant âgé de 7 ans, avait un niveau élevé de tabagisme masculin en 2019. «Mes deux mains sont tombées», raconte la mère d’Ethan, Marie-Josée Poulin, que La Presse a rencontrée à Rouyn-Noranda la semaine dernière. “On ne pense jamais que ça va être autant”, ajoute-t-il, reconnaissant que jusque-là il n’était pas préoccupé par les émissions de la fonderie, “comme beaucoup de gens”. Les responsables de la Santé publique lui ont expliqué qu’un tel niveau d’arsenic correspond à celui d’un gros fumeur. Ils m’ont dit que c’est comme si j’avais fait fumer mon mari. C’est comme mettre des cigarettes dans la bouche de mon mari tous les jours sans arrêt. Marie-Josée Poulin, résidente de Rouyn-Noranda Un deuxième test un an plus tard a montré que le niveau d’arsenic dans les ongles d’Ethan était tombé à 950 ng/g, une baisse significative mais toujours bien supérieure à la moyenne du quartier. « C’est là qu’on a décidé de déménager » hors de la ville, raconte Marie-Josée Poulin. Très discrète sur le sujet, en raison d’opinions divergentes sur la fonderie de la ville, la mère d’Ethan exige maintenant que l’entreprise respecte la norme québécoise de concentration d’arsenic dans l’air de 3 nanogrammes par mètre cube (ng/m 3 ). “Je ne veux pas ça [la fonderie] Je ferme, mais je veux [qu’elle baisse ses émissions] dit-elle, inquiète que son fils, qui n’a actuellement aucun problème de santé, en développe plus tard.

Pour les prochaines générations

L’inquiétude ronge aussi Marjolaine Bizier, atteinte il y a un an d’un cancer du poumon. La femme de 66 ans, qui a arrêté de fumer il y a neuf ans, habite le quartier Notre-Dame depuis 20 ans. avait une concentration d’arsenic dans les ongles de 700 ng/g pendant ses traitements. “Mon pneumologue a dit que ça n’aidait pas, [une telle exposition à l’arsenic] dit Mme Bizier, qui craint plus que tout la possibilité d’un autre cancer. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Marjolaine Bizier, qui habite le quartier Notre-Dame depuis 20 ans Mon voisin est la fonderie. Et il vapote un coup ! Marjolaine Bizier, résidente de Rouyn-Noranda “Ma santé est à 50% [de ce qu’elle était avant] a déclaré Mme Bizier lors de l’assemblée citoyenne tenue à Rouyn-Noranda la semaine dernière, évoquant ses difficultés respiratoires et ses pompes nécessaires. Elle prétend aussi que l’aluminerie réduit ses émissions pour respecter la norme québécoise sur les concentrations d’arsenic dans l’air, même si elle risque de ne pas être là “dans quelques années” pour en profiter. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Marjolaine Bizier au micro lors d’une assemblée citoyenne à Rouyn-Noranda le 6 juillet “Nous ne le faisons pas seulement pour le reste d’entre nous. les petits morceaux qui grandissent, les enfants, sont notre richesse, dit-il. La [Fonderie Horne] elle n’a pas le droit d’hypothéquer la santé de nos enfants pour ses bénéfices nets à la fin de l’année. »

Loin de Rouyn, mêmes problèmes

Les risques pour la santé liés aux émissions d’arsenic et d’autres métaux lourds ne disparaissent pas lorsque l’on quitte la zone. Marie-Ève​​​​​​​Morin en sait quelque chose. La femme de 41 ans, qui est née à Rouyn-Noranda et y a vécu jusqu’à l’âge de 20 ans, a reçu un diagnostic de cancer du poumon il y a deux ans, alors qu’elle n’avait jamais fumé de drogue. PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE Marie-Ève ​​​​​​​​Morin, qui a vécu à Rouyn-Noranda jusqu’à l’âge de 20 ans «Je m’interroge sur le milieu dans lequel j’ai grandi», confie à La Presse celui qui vit maintenant dans les Laurentides. « Entre les années 1980 et 2000, c’était souvent comme mon goût. » C’est également durant cette période que les concentrations d’arsenic près de la fonderie Horne ont atteint des sommets sans précédent, dépassant 1000 ng/m 3 , comparativement à 100 ng/m 3 en 2021. Bien sûr, quand on vous diagnostique un cancer du poumon à 39 ans et que vous n’avez jamais fumé, c’est une gifle. Marie-Ève ​​​​​​​​Morin, originaire de Rouyn-Noranda Marie-Ève​​​​​​Morin est “assez certaine” qu’elle n’est pas la seule ancienne Rouynorandienne à subir les effets possibles d’une exposition passée aux métaux lourds et souhaiterait que les personnes à risque soient testées. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Rue Cuddihy, à Rouyn-Noranda, où Marie-Ève ​​​​​​​​Morin a grandi Le programme pilote de dépistage du cancer du poumon qui fonctionne depuis un an dans sept établissements de santé du Québec pourrait être élargi, suggère-t-il. Il ne concerne actuellement que les personnes âgées de 55 à 74 ans qui ont fumé pendant au moins 20 ans ou qui ont fumé pendant au moins 20 ans. « Pourquoi ne pas ajouter un critère environnemental ? elle demande. Je pense que cela peut sauver des vies. » D’autant plus que le cancer du poumon “n’a souvent aucun impact sur la santé jusqu’à ce qu’il soit un peu trop tard”, souligne-t-il. Elle s’estime aussi chanceuse que la sienne, “assez agressive”, ait été découverte lors d’une série de tests après des douleurs abdominales qui se sont révélées bénignes. « Sans cette opportunité, je n’aurais pas eu beaucoup d’opportunités, pour ainsi dire. »

Pourquoi certaines personnes ont-elles plus d’arsenic dans leurs ongles que d’autres ?

La concentration en arsenic des ongles montre l’imprégnation cumulée de quelques semaines, quelques mois avant le prélèvement, contrairement à l’urine ou au sang, qui reflètent une exposition très récente. Il peut varier considérablement d’une personne à l’autre en fonction d’un certain nombre de facteurs, tels que les endroits fréquentés, la fréquence à laquelle la maison est nettoyée ou le temps passé à proximité d’une source d’émission. Les enfants, qui respirent proportionnellement plus d’air que les adultes, ont des concentrations plus élevées d’arsenic dans les ongles.

Un homme d’affaires veut se battre avec la fonderie

Si Québec ne va pas de l’avant avec la Fonderie Horne, ce sera à la communauté de le faire, estime l’homme d’affaires rouynorandien Dany Bonapace, qui compte saisir les tribunaux. “Si le gouvernement n’agit pas dans l’intérêt public, cela signifie que notre santé […]la seule solution à notre problème est une action en justice », a-t-il déclaré à La Presse en entrevue à son domicile. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Dany Bonapace chez lui à Rouyn-Noranda, où lui et sa femme dirigent un refuge pour animaux malades ou blessés L’homme de 51 ans, qui gère des fonds de private equity dans l’immobilier international, parcourt les forums depuis qu’il est convaincu que ses nombreux problèmes de santé…