Boucher a été condamné à la prison à vie pour avoir ordonné le meurtre de deux gardiens de prison, Pierre Rodeau et Diane Lavigne, en 1997. Il a purgé 22 ans sans libération conditionnelle pendant 25 ans. Le détenu était en soins palliatifs depuis quelques semaines, ayant longtemps refusé toute forme de traitement. Il a finalement été soigné pour un cancer de la gorge qui s’était propagé et est décédé dans l’unité médicale de la prison.
Le roi du crime organisé
Maurice Boucher est né le 21 juin 1953 à Causapscal, Bas-Saint-Laurent, mais sa famille s’est rapidement installée à Montréal. Il a commencé sa carrière criminelle au début des années 1970, commettant notamment un vol à main armée qui lui a valu 40 mois de prison. En 1984, il était de retour derrière les barreaux après avoir agressé sexuellement une adolescente sous la menace d’une arme. D’abord membre des SS, un gang de motards montréalais, il a rejoint les rangs des Hells Angels en 1987. Il a connu une ascension fulgurante pour devenir, selon plusieurs, le motard le plus puissant au Canada. En 1995, il a fondé un nouveau chapitre des Hells Angels appelé Nomads. La même année, le décès de Daniel Desrochers, 11 ans, tué par l’explosion d’une voiture de trafiquant dans le secteur Hochelaga-Maisonneuve, provoque un tollé général. C’est la dernière victime de la guerre aux commerçants indépendants lancée par Boucher, qui voulait prendre le contrôle du marché. Deux ans plus tard, le règne de terreur de Boucher a atteint son paroxysme lorsqu’il a ordonné le meurtre de deux gardiens de prison, Pierre Rodeau et Diane Lavigne, qui auraient été ciblés au hasard pour semer la pagaille dans le système judiciaire et pénal. Ministre de la Sécurité publique du Québec en 1997 et 1998, Pierre Bélanger garde un souvenir douloureux de cette époque. «Nous étions au milieu d’une guerre de vélo. J’ai eu un gardien de prison qui a été assassiné à quelques coins de rue de chez moi », explique-t-il en entrevue, faisant référence à Pierre Rodeau, abattu en plein jour à Pointe-aux-Trembles. Le meurtre de Rondeau en septembre 1997, comme celui de Lavigne en août, a été ordonné par Maurice Boucher. “On était sous le choc”, se souvient Pierre Bélanger. Le lendemain du meurtre de Rondo, les agents correctionnels des 18 centres de détention de la province ont appelé à une grève impromptue pour exiger plus de sécurité au travail. “Ensuite, nous avons pris la décision de réarmer les gardiens de prison et de leur donner des gilets pare-balles”, a déclaré M. Bélanger. Celui qui était ministre à l’époque a aussi été personnellement visé par les cyclistes après être apparu sur leur liste noire. “J’ai eu trois gardes du corps pendant quelques semaines, ça donne une idée de l’ambiance surréaliste qui régnait. » M. Bélanger rappelle l’étendue de l’autorité de Boucher à l’époque : [Les meurtres] c’était la décision personnelle de Bowser, c’est lui qui a personnellement dirigé ces attaques. Personne n’avait jamais fait d’attaques aussi violentes contre le gouvernement. » Les nombreuses infractions de Boucher ont incité le gouvernement fédéral à adopter sa première loi antigang en 1997 et à la bonifier en 2002.
Une influence en déclin
Selon une source policière proche du crime organisé qui s’est exprimée sous couvert d’anonymat, la mort de Boucher “marque la fin d’une époque” mais reste symbolique. “Il n’a eu pendant longtemps aucun contrôle sur les activités des Hells Angels”, explique-t-il. D’abord acquitté en 1997, il est retourné en prison en 2000 lorsque la Cour d’appel a annulé le verdict. Il a finalement été condamné à la prison à vie en 2002. Ni son incarcération ni son expulsion des Hells Angels en 2014 n’ont suffi à freiner son implication dans des activités illégales. En effet, il a plaidé coupable à une accusation de complot pour avoir tenté de tuer le chef de file de la mafia Raynald Desjardins en 2018. Accusée pour la même raison, sa fille, Alexandra Mongeau, a depuis été acquittée. Autrefois un nom bien connu au Québec, son influence a donc considérablement diminué alors que celle des cyclistes s’est accrue. « Lorsque Boucher était responsable des Hells Angels, ils n’avaient pas le pouvoir qu’ils ont maintenant. Aujourd’hui, ils contrôlent la quasi-totalité du trafic de cocaïne”, explique notre source. Le mode de fonctionnement a également évolué. “A cette époque, c’était très violent. Les gens changeaient de côté du trottoir lorsqu’ils voyaient un membre en bon état, se souvient-il. Aujourd’hui, ils sont plus énervés et discrets dans leur façon de faire. Lors de rassemblements, vous voyez parfois des gens prendre des selfies avec eux. Certains les voient un peu comme des rebelles, alors qu’avant c’étaient des criminels. » Décédé en prison, l’ancien motard laisse derrière lui un héritage marqué par la violence et de nombreux meurtres. “Je pense que personne ne devrait pleurer la mort de cet homme”, a déclaré notre source.