Posté à 5h00
Isabelle Dubé La Presse
Après son premier stage en génie du bois, Jean-Sébastien Lavoie s’est vu offrir trois bourses de 1 000 $ par son employeur pour les trois sessions qu’il restait à l’Université Laval. “J’ai dû signer un contrat. Si je pars avant trois ans, je dois rembourser une partie de la bourse », explique au téléphone le jeune diplômé qui dit vouloir vraiment travailler dans cette fabrique de cercueils. « Comme je ne voulais pas travailler pendant mes études, mon employeur m’a offert ces bourses pour me permettre de continuer, je suppose. » PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE Brigitte Watier, directrice de l’éducation coopérative à l’ETS
La chasse est lancée
« Nous recevons plus d’offres de stages qu’il n’y a d’étudiants disponibles », explique Brigitte Watier, directrice de l’enseignement coopératif à l’École Technologie École (ETS). La pénurie de main-d’œuvre dont tout le monde parle se vit au niveau des stagiaires. » « On constate une augmentation de l’offre à l’Université de Sherbrooke, indique Alain Tremblay, directeur des stages et de la formation professionnelle à l’Université de Sherbrooke. Nous avons reçu 40% d’offres de stage en plus que l’année dernière à la même date. Les gens y voient une porte d’entrée pour combler les besoins d’emploi. Alain Tremblay, directeur des stages et du développement professionnel à l’Université de Sherbrooke Le directeur explique qu’il avait l’habitude d’aider les étudiants à trouver des stages, mais qu’il doit désormais les accompagner dans leurs multiples options. “Certains étudiants sont anxieux et on ajoute une couche supplémentaire de stress parce qu’on leur demande trop, on leur offre des choses et on leur met un peu de pression pour qu’ils acceptent”, explique Alain Tremblay. Les étudiants les plus recherchés sont dans les programmes d’ingénierie, de commerce et d’informatique. « C’est comme dans le marché des postes permanents, observe aussi Marco Beaulieu, chef de l’acquisition de talents et de l’expérience de stage chez Bombardier. La chasse aux stagiaires est aussi puissante que la chasse aux talents. » La multinationale canadienne employait annuellement 1 200 stagiaires en 2018. Plus de la moitié des étudiants, soit 55 %, sont en ingénierie et 45 % en marketing, ressources humaines, communication et finance. “Il y a plus de demandes de stagiaires que de stagiaires disponibles”, confirme Marco Beaulieu. Quiconque travaille autant dans le recrutement de talents que les stagiaires a remarqué une augmentation de la popularité des stages auprès des employeurs car un stage est plus révélateur de la qualité d’un employé qu’un simple entretien d’embauche. L’intérêt pour les stages a également augmenté grâce aux subventions du gouvernement du Canada. Le Programme de stages pratiques pour étudiants accorde de 5 000 $ à 7 000 $ par stagiaire et peut être combiné au crédit d’impôt provincial. « Toutes les entreprises courent après les mêmes candidats, mais on a la chance d’avoir un bon programme bien structuré avec de bons projets et ça paie », affirme Louise Charest, directrice de l’acquisition de talents chez Desjardins, qui a bonifié son offre de stages en raison au développement de l’institution. Le taux de conversion des stagiaires en employés est de 73 % en 2019, affirme-t-il.
Demande, cadeaux ou culture
Le directeur du service des stages de l’Université de Sherbrooke a observé plusieurs techniques de séduction de la part des employeurs. Certains appellent les étudiants pour s’assurer qu’ils donnent une bonne évaluation de leur entreprise, d’autres commettent des « gaffes » en prétendant à plusieurs stagiaires qu’ils sont vraiment le « meilleur candidat ». Pourtant, les élèves se parlent, souligne-t-il. Le fait d’offrir des bourses et des primes en argent avec un contrat garantissant le retour du diplômé comme travailleur est de plus en plus courant, observe Alain Tremblay, de l’Université de Sherbrooke. “Ce sont des choses que nous ne conseillons pas”, dit-il. Notre rôle en tant que conseillers est de faire réfléchir l’élève. Oui, c’est amusant d’être payé pour ses études par une entreprise, mais es-tu sûr que c’est là que tu veux travailler quand tu seras diplômé ? Vous ne préférez pas choisir ? Parce que dans quatre ans, il y aura tellement d’emplois. » PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Lilian Nguemtchouang a choisi de faire un stage chez Bombardier en raison de l’entrevue et de la culture d’entreprise. Ce n’est pas un bonus qui a poussé Lilian Nguemtchouang à choisir Bombardier pour son stage, mais la façon dont le recruteur a mené l’entretien, qui avait “plus l’air d’une conversation que d’un interrogatoire”, raconte la future diplômée en ingénierie. Ingénieur électrique de l’Université Concordia. « J’ai vraiment apprécié sa chaleur et son intérêt pour ma personne. Certains entretiens que j’ai eu à faire étaient très axés sur le parcours scolaire et les connaissances techniques, et beaucoup moins sur la personne elle-même. En fait, c’est la culture même de cette entreprise qui m’a séduit », conclut-il.
Le stage suit la mode hybride
Comme le marché du travail, les stages ont évolué en deux ans. Comment se déroulent les pratiques en mode hybride ? Ont-ils la même valeur qu’avant ? APERÇU. Après deux stages en mode virtuel, Jean-François Vo, étudiant de troisième année en génie logiciel à l’Université Concordia, a été soulagé de réaliser le stage de cet été en mode hybride. “Toujours être en ligne, c’est fatiguant et démotivant”, a-t-il déclaré sans détour lors d’une rencontre des Équipes avec La Presse. PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Jean-François Vo, stagiaire chez Desjardins Numérique Lorsque vous faites des pratiques virtuelles, il faut un certain temps pour s’échauffer avec l’équipe et s’ouvrir. Jean-François Vo, étudiant en génie logiciel à l’Université Concordia Jean-François Vo avait hâte de vivre une véritable collaboration d’équipe comme celle qu’il vit actuellement au sein du groupe de stages Desjardins Numérique : 12 étudiants, de différentes universités et programmes, ont passé l’été à trouver une vraie solution à un problème potentiel à l’institution . « Ma motivation est plus grande lorsque nous travaillons sur le terrain en équipe. La communication est plus facile et le midi, on sort déjeuner ensemble », raconte Jean-François Vo, stagiaire en génie logiciel chez Desjardins Numérique.
40% et hybride
Selon les données recueillies par l’Université de Sherbrooke, 58 % des stages se sont déroulés en mode hybride au Canada en octobre 2021. Actuellement, à l’Université de Sherbrooke, 40 % des étudiants effectuent leur stage en mode hybride ou en télétravail complet. Pour les stages en communication, informatique et gestion, le pourcentage est plus élevé, souligne Alain Tremblay, directeur des stages et de la formation professionnelle à l’Université de Sherbrooke. « Lorsque nous examinons les offres de stages que nous avons pour cet automne, nous constatons que cette tendance se poursuit. Nous avons 22 % d’offres qui sont hybrides et 33 % d’offres qui disent que la pratique se fera en personne », observe-t-il.
Avantages et craintes
Le directeur du service des stages dit que certains étudiants sont favorables aux stages en télétravail car ils n’ont pas à quitter leur appartement à Sherbrooke et peuvent faire des stages dans des entreprises internationales. Cependant, l’Université, qui offre depuis de nombreuses années des programmes diplômants avec un système coopératif, fait face à un nouveau défi : l’encadrement des étudiants. …