C’était toujours quelque chose que je savais quelque part, dit-il. C’était un motif que vous dessiniez avec les points – un, deux, trois – et puis vous finissez par trouver le motif. J’avais les points, mais les points étaient innombrables. Il a fallu 40 ans à France Daigle pour arriver à son design. Il est certain que la dernière décennie a été plus révélatrice que les autres, souligne-t-il. Enfin, j’étais arrivé à une sorte de mur, où je me disais bien, qu’est-ce qu’il y a là, au fond ? C’est alors que France Daigle a décidé d’utiliser les services d’un voyant pour mieux comprendre ce qui se passait au plus profond d’elle. Il fallait absolument mettre les chiffres dans les points, précise-t-il. France Daigle lors de la présentation de son exposition Mon projet d’art, en 2018. Photo : Radio Canada Elle a rencontré un psychanalyste qui l’a beaucoup aidée dans sa démarche. Cependant, c’est lors d’une rencontre scolaire avec des élèves du nord du Nouveau-Brunswick que France Daigle a fait une sorte de percée, après des échanges avec des jeunes et des conférenciers. Montant sur scène en tant que représentant, les rôles ont été inversés, un instant. En y arrivant, j’ai compris presque plus de choses que je ne savais avant, dit-il. J’étais plus choqué que les autres. D’une chose à l’autre, son identité transgenre s’est précisée.

Agoraphobie, littérature et éphémère

Dans ses œuvres, France Daigle a souvent abordé le sujet de l’agoraphobie, un trouble dont elle souffre. Avec le recul, elle réalise maintenant le lien direct entre sa peur des espaces publics et la fugacité qu’elle n’avait pas encore identifiée en elle-même au moment où elle a écrit ses romans. Comment pouvais-je être bien dans le monde, à l’extérieur, alors que je n’étais pas bien à l’intérieur ? », dit-elle. J’ai bien compris que je ne pouvais pas me sentir bien, mais je n’avais pas les éléments nécessaires pour tirer le portrait. […] C’était l’obstacle pour moi de comprendre ma vie, d’une certaine manière. Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre). Le personnage fictif du roman Pas pire de France Daigle souffre d’agoraphobie. Photo : Courtoisie : Les Éditions du Boréal Faisant une pause dans l’écriture pendant un certain temps, France Daigle affirme qu’il existe une corrélation entre son éveil à son identité transgenre et la façon dont elle écrit ses romans. En fait, ils ont été fabriqués par moi [ses romans], parce que je ne savais pas comment m’y rendre autrement, dit-il. D’une certaine manière, j’ai toujours eu l’impression d’écrire avec des restes. j’avais des morceaux […]mais je n’ai pas pu faire le grand portrait. Au festival Acadie Love cette semaine, France Daigle a présenté des œuvres visuelles réalisées à partir de morceaux de bois provenant d’un immeuble dont elle est propriétaire. Une approche symbolique pour dépeindre le changement de sexe qu’elle a vécu.

Révolution de genre

Aujourd’hui, à 68 ans, le long chemin de la découverte de soi prendra à France Daigle une quarantaine d’années. L’auteur affirme que sa fugacité n’a jamais été réprimée, mais plutôt qu’elle n’avait pas les clés pour la comprendre. Selon elle, les questions de fugacité dans l’espace public tournent souvent autour d’un homme qui devient une femme. Je n’avais pas vraiment trouvé de réponse pour la femme qui se sent comme un homme, explique-t-elle. J’avançais avec tout ça, mais pas comme ce jour-là, où j’ai rencontré des jeunes et des intervenants. France Daigle souligne que si elle avait eu cette révélation plus tôt dans sa vie, elle aurait peut-être envisagé une opération de changement de sexe. Les drapeaux de l’intersexe, de la fierté lesbienne et de la communauté LBGTQ2+ flottent côte à côte à Caraquet. Photo: Radio-Canada / Réal Fradette Sans passer sous le bistouri à son âge pour ne pas créer de stress physique sur son corps, elle est désormais libre d’esprit face à son identité transgenre. Je suis heureuse et satisfaite de comprendre ce qui m’arrive, libérée, soulagée, dit-elle. Et je me sens plus normal d’être trans que je ne l’ai jamais ressenti de toute ma vie chez les hommes et les femmes ordinaires. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans la société pour sauver les nombreuses personnes qui souffrent, déclare France Daigle. Je pense qu’il est très important d’éduquer les jeunes à ce sujet, dit-il. Notre société est extrêmement sexuée […]. Au cours des cinq à dix dernières années, tout cela a en quelque sorte explosé. Il y a comme une révolution même dans les genres et tout est possible, et chacun peut choisir un peu, selon ses besoins. France Daigle passe maintenant le flambeau : L’éducation doit être centrée sur l’être : Comment vous sentez-vous ? Vous vous sentez dans votre élément ? C’est surtout ça. Avec des informations de l’émission de radio L’heure de Pointe – Acadie