Posté à 5h00
Texte : Vincent Larin La Presse
Photos : Dominick Gravel La Presse
Jamais depuis le début de la pandémie la Plage Major, à Sainte-Agathe-des-Monts, n’a été aussi achalandée. Environ 2 500 personnes s’y étaient rassemblées dimanche, une scène qui contrastait avec l’ambiance de l’Hôpital Laurentien à quatre kilomètres de là, où l’unité COVID était également bondée. Venant de Mirabel avec leurs quatre enfants pour profiter de l’eau et du soleil au bord du lac des Sables en cette journée presque caniculaire, Steeve Messier et Géraldine Guilbault prennent du bon temps. “Nous sentons qu’il y a [la COVID-19]plus [sans plus]. L’important, c’est de se tenir informé », explique Géraldine Guilbault. “Nous nous conformerons à tout ce qui est obligatoire”, a ajouté son mari. PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE Géraldine Guilbault et Steeve Messier sur la longue plage Un peu plus loin, de jeunes Montréalais qui ont pris le métro, l’autobus puis la voiture d’une sœur prennent le soleil. L’endroit est particulièrement fréquenté par les touristes, confirme la sauveteuse Rosie Lynch. “Pendant les tournois de volley-ball et les semaines de construction [qui débutent vendredi prochain]c’est vraiment là qu’on a le plus de monde », explique-t-il. Les foules peuvent facilement atteindre 2 500 personnes, 1 000 de plus que les deux derniers étés, lorsque la capacité maximale du lieu était limitée à 1 500 par les autorités de santé publique, selon les travailleurs rencontrés. PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE Dimanche, environ 2 500 personnes ont profité de la plage Major, à Sainte-Agathe-des-Monts. Pour l’un d’eux, Henry Lemay, voir tomber ces restrictions est une vraie bénédiction après avoir assumé le rôle ingrat de devoir gérer la distance physique entre les baigneurs. Mais si la vie semble avoir repris son cours normal à Major Beach, tout le monde ne partage pas la même insouciance. Assis de l’autre côté du lac, Guy Nepveu et sa femme Louise Deschambault préfèrent observer la foule de loin. PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE Louise Deschambeault et Guy Nepveu au bord du lac des Sables “On aime beaucoup le plein air, je ne pourrais pas m’en passer, mais on préfère ne pas trop se rapprocher des gens”, confie-t-elle, dont la soeur vient de rentrer de vacances au Lac-Saint-Jean atteinte du fameux virus. « Il faut vivre avec, mais ce n’est pas fini. » Pour le Dr. Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue et professeure agrégée à l’UQAM, les privations des dernières années expliquent en partie le besoin actuel de socialisation. Mais d’autres facteurs jouent également un rôle, comme la levée des restrictions sanitaires et le fait qu’une grande partie de la population a été infectée par le virus sans complications. “Nous sommes de moins en moins menacés, ce qui signifiait que nous étions disposés à suivre les recommandations”, souligne-t-il. La saison estivale était jusqu’à présent associée à plus de sécurité, mais la situation actuelle semble indiquer un renversement de tendance. En effet, 2022 est à ce jour le pire été pandémique qu’ait connu le Québec. En plus de beaucoup plus de décès, la province connaît beaucoup plus d’hospitalisations et une forte transmission communautaire. Le virologue et professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Benoit Barbeau a déclaré samedi à La Presse que le Québec n’avait pas atteint une phase endémique, mais que, selon lui, la population agit comme si elle l’était. “On n’est pas encore capable de contrôler le virus, on ne peut pas le prévoir, ce n’est pas cyclique comme la grippe par exemple”, a expliqué M. Barbeau. C’est ce qui nous surprend tous en ce moment. »
L’hôpital sous pression
En pleine septième vague, le Québec fait maintenant face à une nouvelle réalité : de nouvelles variantes brisent de plus en plus la « logique saisonnière » à laquelle la COVID-19 nous a habitués jusqu’ici. PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE L’Hôpital Laurentien, à Sainte-Agathe-des-Monts Malgré le calme relatif à l’extérieur de ses murs, l’Hôpital Laurentien est durement touché par cette nouvelle réalité et traverse une période critique cet été pandémique. Les 24 lits mis en place pour accueillir les malades du COVID-19 sont tous occupés en ce dimanche ensoleillé, confie une infirmière rencontrée sur le parking qui souhaite rester anonyme par crainte de représailles. Parmi ces patients, plusieurs auraient contracté la maladie lors de leur séjour à l’établissement. Cette situation complique le manque de personnel. Par exemple, dimanche, des trois préposés aux bénéficiaires qui se pesaient normalement, aucun n’était là, rapporte l’infirmière. L’une serait en vacances d’été, l’autre aurait contracté la COVID-19 et la troisième aurait droit à ses week-ends. “La conséquence est que les gens ne se laveront pas aussi souvent, ils devront attendre voire sauter des repas”, soupire-t-il. PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE Huguette Jaumier et Daniel Barbier devant l’Hôpital Laurentien Une situation partiellement confirmée par Huguette Jaumier, venue au chevet de son mari mourant. ” [Le personnel]ils sont débordés, mais ils sont présents malgré tout », dit-il. Sur la question des mesures sanitaires réduites et du climat général normal à l’extérieur de l’hôpital, l’infirmière est catégorique : “C’est deux mondes. »
submergé
En effet, en date de dimanche après-midi, tous les hôpitaux des Laurentides affichaient un taux d’occupation moyen de 147 %, ce qui est beaucoup plus élevé que pour l’ensemble du Québec, où il était de 104 %. Dans le peloton, l’Hôpital Laurentien a affiché un taux d’occupation de 161 %, tandis que l’Hôpital Mont-Laurier a été entièrement submergé à 260 %. La situation n’était guère meilleure dans la métropole, où l’Hôpital de Montréal pour enfants a dû limiter ses services, compte tenu du «nombre élevé de patients nécessitant une hospitalisation ou des soins intensifs». « Cette augmentation met à rude épreuve les services d’urgence, qui doivent prendre en charge des patients en attente d’un lit. Par conséquent, pour le moment, nous ne pouvons pas accepter les patients dont l’état n’est pas urgent (catégories 4 et 5)”, est-il précisé via les réseaux sociaux.
Revenir par réflexe
Pendant ce temps, sur la rue Principale, à Saint-Sauveur, l’ambiance rappelait la période d’avant la pandémie, comme le souligne la propriétaire du tout nouveau restaurant Monbistro, Carole Vaillancourt. PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE Rue Principale, à Saint-Sauveur, dimanche Pour le Dr Beaulieu-Pelletier, ce retour s’apparente aux rebonds qui surviennent souvent après des crises majeures. “On peut s’attendre à ce que beaucoup de gens aient ce besoin très fort de se reconnecter, de voyager”, dit-il. Et plus important qu’avant. » PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE Nicole Asselin et Michel Linteau Un concert est en préparation dans un parc adjacent. Nicole Asselin discute avec une voisine. “Ce n’est pas déroutant, c’est comme avant”, note-t-il. À Saint-Jérôme, une petite foule déambule devant le théâtre Gilles-Vigneault, où est jouée la pièce Sainte-Marie-la-Mauderne. Peu touché par les mesures sanitaires, le milieu culturel semble avoir conservé quelques réflexes. PHOTO DOMINIQUE GRAVEL, LA PRESSE Spectateurs au théâtre Gilles-Vigneault,…