Une hausse que rue de Grenelle tente de minimiser : « A partir du 1er janvier 2020, les enseignants ont la possibilité de partir avec une rupture conventionnelle. Ceci explique cette forte augmentation. Certes, le taux de départs n’est pas très élevé par rapport aux 850 000 enseignants exerçant en France. Mais dans un contexte de baisse des inscriptions aux compétitions, ces sorties sont préoccupantes. « Sur les cinq dernières années scolaires, l’augmentation des démissions est d’environ 200 démissions supplémentaires chaque année », soulignait une étude du ministère de l’Éducation nationale intitulée De l’entrée à la sortie de l’Éducation nationale et publiée en 2020. Elle montrait que les enseignants, c’était eux. qui ont le plus quitté le navire : « leur taux de démission est de 0,24 % contre 0,18 % de certifiés, 0,14 % d’agrégé et 0,10 % de PLP. Autre constat : les professeurs stagiaires sont ceux qui jettent le plus gros torchon. Car trop souvent, ils réalisent le décalage entre leurs idéaux professionnels et la réalité du terrain.
Le salaire est jugé insuffisant
Ces dérogations sont multifactorielles. Mais parmi les raisons les plus citées par les anciens professeurs qui ont répondu à notre appel à témoins figure l’insatisfaction vis-à-vis de leur salaire : “J’étais sur 2 300 euros au bout de dix ans alors que j’étais diplômé de Master 2, ça me paraissait insuffisant”, confie Nicolas. , ancien professeur de physique-chimie devenu inspecteur de l’environnement. Même constat que David, ancien professeur de philosophie travaillant désormais au ministère de l’Intérieur : « J’ai trouvé que ma rémunération et mes conditions de travail n’étaient pas à la hauteur de la difficulté du concours que j’avais reçu. » Cendrine, qui a quitté son poste d’enseignante pour devenir agent immobilier, confie également que la question du salaire a joué un grand rôle : « Les enseignants travaillent de longues heures où ils ne se voient pas : réunions entre midi et deux ou à le soir, rencontre avec les parents, préparation et correction. Nous achetons aussi souvent du matériel avec notre propre argent. A la fin de l’année, ce chiffre”, souligne-t-il. La dégradation de leurs conditions de travail est également souvent évoquée. « Ils se sont bien aggravés avec la réforme du lycée : plus d’élèves par classe, mais aussi des matières où je me sentais complètement inutile comme l’enseignement des sciences, 1h par semaine devant 35 élèves de première générale dans un auditorium. Gérer l’hétérogénéité de mon public était parfois difficile car je devais animer un programme exigeant avec un groupe d’étudiants aux profils très divers ! Si certains lycéens étaient au bon niveau, d’autres étaient au bord de l’illettrisme et les faire travailler alors était particulièrement difficile », raconte Nicolas. Fanny, qui prépare actuellement des études supérieures, trouve aussi que les conditions de travail sont devenues plus difficiles : « Nous sommes plus éducatrices (il faut enseigner le respect et les notions de politesse), assistantes sociales, psychologues. Nous sommes peu ou pas éduqués aux réalités qui prévalent : les différentes formes de handicap ou les difficultés ou facilités d’apprentissage.” Etienne n’a pas duré longtemps : il a démissionné de son poste de professeur d’Histoire-Géographie au bout de deux ans. « Les difficultés à gérer la discipline des élèves m’ont tout de suite donné envie d’arrêter », raconte-t-il.
“On en a marre des réformes successives qui ne tiennent jamais compte de la réalité du terrain”
Certains évoquent également les relations tendues avec les parents des élèves. C’est ce que raconte Manon, ancienne professeur de dessin : « J’ai démissionné en décembre car je devais sans cesse me justifier auprès des parents, voire parfois des élèves. Dans certaines écoles, les parents font la loi. Ils appellent les proviseurs à critiquer les enseignants qui pensent que leurs enfants ne peuvent pas mentir… Pour me protéger, j’ai pris des photos des projets des élèves qui étaient en dessous de la moyenne. Jérôme évoque aussi “le climat destructeur provoqué par une petite partie des parents d’élèves”. « Ils sont contents d’inventer de faux problèmes, de se plaindre directement à nos supérieurs. Cela ressemble très souvent à une injustice et cela vous épuise, cela vous rend nerveux et vous vous inquiétez de tout, tout le temps », se souvient-il. Enfin, certains enseignants semblent ne plus trouver de sens à ce qu’ils font. “On en a marre des réformes successives qui ne tiennent jamais compte de la réalité du terrain”, raconte Pascale, qui a pris sa retraite après vingt-deux ans d’enseignement de l’espagnol. « Je n’aimais plus mon ministère de tutelle et sa gestion délirante. Et la crise du Covid-19 et sa gestion, entre autres, m’ont décidée pour de bon”, témoigne également Emilie. La crise du recrutement des enseignants, question prioritaire pour le nouveau ministre de l’Education, a déjà entrepris de revoir les salaires à la hausse. “Il faut augmenter les salaires et traitements, c’est ce dont on va discuter avec les syndicats, créer un choc d’attractivité pour faire en sorte que ce métier soit revalorisé”, a insisté jeudi Pap Ndiaye pour France Inter. Mais pour maintenir les enseignants à leur place, il devra aussi composer avec la délicate question des conditions de travail, mais aussi des possibilités d’évolution dans l’Éducation nationale…