Sans doute plus connu du grand public pour avoir présidé la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) que pour être le plus haut fonctionnaire du pays à la tête du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé a été accusé par le président de la République, le 18 octobre 2021, pour présider la Commission des États Justice générale. En présentant à Emmanuel Macron, vendredi 8 juillet, les conclusions de ses travaux achevés en avril, il demande de « doter en masse la première affaire où le collectif, gage de qualité, a quasiment disparu ». Il met en garde les magistrats contre “l’illusion de croire que seule la justice peut maintenir son office et garantir son indépendance”.

Vous avez choisi d’intituler votre rapport « Rendre la justice aux citoyens ». Comment en sont-ils privés ?

En 1801 Jean-Etienne-Marie Portalis [le père du code civil] avait dit, dans son rapport présentant le premier projet de code civil, « la justice est le premier devoir de la souveraineté. Les tribunaux sont établis pour remplir ce devoir sacré. La justice est l’affaire des juges, certes, mais surtout du souverain, c’est-à-dire du peuple. Au nom du peuple français il est rendu. Lire aussi : L’article est destiné à nos abonnés Limiter le recours aux prisons, recruter massivement, réformer l’institution… Les principales conclusions des États généraux de la justice
Cependant, nous assistons aujourd’hui à une double crise. D’abord, celui du service public de la justice. Les dysfonctionnements ne sont pas paroxystiques, mais profonds. Et puis il y a une crise plus large du pouvoir judiciaire que la France partage, je pense, avec presque tous les pays qui respectent les principes de l’Etat de droit, y compris ceux qui accordent un statut et un crédit à leurs juges sans commune mesure avec l’histoire de France.

Vous écrivez le constat d’une justice dont les retards grandissent et la qualité des décisions baisse, alors que « l’afflux » n’augmente pas. Comment expliquez-vous celà?

Nous assistons à une augmentation lente mais continue et implacable des inventaires et des retards dans les décisions civiles et pénales, en appel et, très clairement, en première instance. La qualité des décisions de première instance est de plus en plus remise en question. Le taux d’appel des décisions de la Cour suprême [désormais tribunaux judiciaires] est passé d’un peu plus de 16 % en 2008 à 25 % en 2019. Cela traduit à la fois le mécontentement des justiciables et la remise en cause croissante des décisions de l’autorité judiciaire. Plus de 46 % de ces décisions sont annulées en tout ou en partie en appel. L’idée que la première course est « une manche d’échauffement » a donc prévalu. L’allongement des délais s’explique également par la complexité croissante des affaires, alors que certains des litiges les plus simples ont été détournés des tribunaux. Il vous reste 70,33% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.