Posté à 6h30

Certains terminaux vont même jusqu’à proposer d’ajouter un pourboire de 18%, 20% ou 22%. Les clients ont raison de hausser les sourcils. D’autant plus que le pourcentage est calculé sur le montant après impôts. Pour une commande de 50 $ (57,49 $ avec taxes), un pourboire de 18 % (10,34 $) équivaut donc à 20,6 %. Le problème, c’est qu’on peut en trouver trop, on se sent un peu piégé. On nous donne le choix entre trois possibilités et il semble que nous n’en ayons pas d’autres. Ou alors, on a peur de mal paraître en donnant beaucoup moins que ce qui est suggéré, tout en se demandant si notre malaise est légitime ou si on est des nanas comme Serafin. Bonjour la culpabilité ! Cependant, il n’y a rien de nouveau concernant les commandes. Pas même en conseil, d’ailleurs. Alors qu’est-ce qui a changé ? Premièrement, le nombre de restaurants proposant des plats à emporter a explosé avec la pandémie lorsque les salles à manger ont été contraintes de fermer. Nous ne nous contentons plus de prendre des repas rapides à un comptoir où une tasse en polystyrène se trouve pour recueillir des pourboires. Désormais, l’offre alimentaire est plus variée et luxueuse, ce qui s’accompagne d’additions à la hauteur. « Les opérateurs [de ces restaurants] ont activé la fonction de pourboire sur leurs bornes pour venir en aide à leurs employés maltraités en raison de la pandémie et elle a été maintenue », résume le représentant de l’Association Restauration Québec (ARQ), Martin Vézina. Bien que les restaurants fonctionnent désormais sans restrictions. Pour une raison quelconque, cette tendance au pourboire s’est propagée à d’autres types d’entreprises, telles que les boulangeries et les bars laitiers. Dans le même temps, la pandémie a considérablement augmenté les paiements par carte, même pour un simple cornet de glace ou une miche de pain. Alors “15% – 18% – 20%” nous saute aux yeux plus souvent. Et leur équivalent en dollars est constamment gonflé par l’inflation alimentaire galopante. En tant que consommateur, le président du Conseil de la franchise du Québec, Xavier Chambon, trouve que “c’est un peu pervers comme façon de présenter les choses”, tout en rappelant que “par définition, les pourboires sont pour ceux qui font du service à table”. Cependant, certains franchisés, dit-il, sont mandatés par leur franchiseur pour faire programmer une borne d’une certaine manière. L’ARQ ajoute que les terminaux sont programmés par les sociétés de paiement qui les louent, les restaurateurs n’ont donc pas “nécessairement le contrôle” sur les tarifs affichés. D’une certaine manière, les Québécois répondent aux conseils habituels… aux États-Unis. Le fournisseur de terminaux Moneris affirme que ses clients peuvent “modifier les options de pourboire” en fonction de leurs préférences. En effet, jusqu’à la fin juin, les clients du restaurant Versa de Stefano Faita dans le quartier Villeray de Montréal se voyaient offrir un pourboire de 18 %, 20 % ou 22 % lorsqu’ils commandaient des mets à emporter. Il est passé à 15 %, 18 % ou 20 %, parce que « nous pensions que 18 %, c’était trop », m’a dit un responsable. Le restaurateur Alexandre Brunet, créateur des chaînes Pizza No 900 et Morso, assure lui aussi qu’il peut “planifier et décider du nombre”. Mais les bornes ne peuvent ni calculer le pourboire pour le prix hors taxe ni savoir si un repas a été pris en salle ou s’il s’agit d’une commande à emporter. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE Chez Pizza No 900, les clients laissent rarement 15 % lorsqu’ils prennent une pizza. La bonne nouvelle est que le pourboire n’est jamais obligatoire et que les bornes vous permettent de faire vos propres choix. Si vous souhaitez ignorer l’astuce, vous pouvez appuyer sur le bouton vert pour sauter cette étape, une astuce inconnue mais efficace. De nombreux terminaux proposent également de saisir un pourcentage autre que ceux proposés ou de saisir une somme d’argent. Alexandre Brunet dit qu’il est “très rare” dans ses magasins que les clients laissent 15% à la caisse. “La plupart des gens saisissent un montant”, ce qui ne l’offusque pas, bien au contraire. 15% c’est quand vous bénéficiez d’un service d’une ou deux heures, nous vous apportons un apéritif et du vin. C’est une compensation, pas un cadeau. Alexandre Brunet, créateur des chaînes Pizza No 900 et Morso Chez Madame Thaï, dans le Vieux-Longueuil, un gérant observe que certains « ne laissent rien, alors que d’autres laissent vraiment trop. C’est très différent.” En fait, “il n’y a pas encore de norme. La norme est en train de se construire », souligne Martin Vézina, de l’ARQ, car le phénomène est très récent. D’ici là, n’hésitez pas à faire appel à votre jugement pour déterminer un montant raisonnable et raisonnable, quitte à rester un peu plus longtemps dans les parages. Ce n’est jamais agréable d’avaler un billet de travers.