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“J’étais le seul [au travail] qui avait un avis différent [en étant contre le masque] dit Laura (pseudonyme).
Elle préfère rester anonyme pour éviter les représailles de son employeur.
Pendant près de vingt ans, il a travaillé comme journalier dans l’industrie du tabac.
“J’avais une très bonne position avec de bonnes conditions. »
Puis la pandémie est arrivée. Ses collègues ont remarqué ses commentaires anti-masque sur Facebook, qui sont parvenus aux oreilles de son employeur, a-t-elle déclaré.
“Je ne sais pas si c’est psychologique, mais [porter le masque]ça m’a rendu malade […] C’est un travail physique. Avec la chaleur, la poussière”, raconte-t-il.
Ils l’ont appelée aux ressources humaines et l’ont envoyée dans un service isolé avec un gel des salaires.
“J’ai commencé à avoir des crises d’angoisse”, explique celui qui est en arrêt maladie depuis 2020.
Comme elle, des travailleurs de divers secteurs qui n’avaient aucun problème se sont soudainement retrouvés blâmés ou au centre de tensions au travail en raison de leur opposition aux mesures sanitaires.
Références
Au cours de cette période, les ordres professionnels du Québec ont reçu plus de 260 demandes de recherche.
L’ordre des avocats a reçu à lui seul au moins 170 signalements, ce qui a conduit à l’ouverture de poursuites contre 21 avocats différents.
Le magazine a recensé 20 professionnels qui font ou ont fait face au conseil de discipline pour leurs propos ou contenus publiés ou pour non-respect de certaines mesures sanitaires. Les noms de 18 d’entre eux sont publics car leurs auditions ont commencé ou se sont terminées.
La plupart n’avaient pas de dossier disciplinaire.
Parmi eux, on trouve des exemples en tous genres : du chiropracteur un peu décontracté à l’ex-comptable conspirationniste aux 100 000 followers sur Facebook.
Capture d’écran YouTube
Les deux anciens comptables, Daniel Pilon et Stéphane Blais, sont décédés dans une vidéo partagée sur YouTube.
Le magazine a également consulté incognito ce printemps un acupuncteur et un chiropraticien licenciés depuis plusieurs mois pour les mêmes raisons.
Photo de Dominique Scali
Le journaliste Dominique Scali au bureau du chiropraticien Philippe Landry à Shawinigan après sa radiation temporaire.
Tout au long des affrontements, les deux n’ont pas réussi à mettre correctement leurs masques.
Oui, c’est notre affaire
“Au début de la pandémie, c’était : oh, mon Dieu […]le public nous appelle à faire quelque chose », affirme Marie-Claude Sarrazin, avocate disciplinaire de l’administrateur de l’Ordre des comptables agréés.
« Nous avons dû nous asseoir et nous demander : est-ce notre travail ? Me Sarrazin s’explique. Nous avons conclu que oui. »
En devenant membre d’un ordre, un professionnel s’engage à faire preuve de réserve dans ses propos et à ne pas porter atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession.
Certains codes de déontologie, comme celui du Collège des médecins, les obligent à fonder leur pratique sur des principes scientifiques reconnus.
Vie privée
Mais pour d’autres intervenants, on assiste actuellement à un « dérapage ».
Plusieurs experts consultés par Le Journal ne sont pas convaincus que toutes ces affaires passeront le test des juridictions supérieures.
C’est aussi l’avis de l’avocat Pierre Daignault, qui représente quatre chiropraticiens, dont trois sont essentiellement accusés de partager de fausses informations sur les réseaux sociaux.
“Il ne s’agit pas de la commande. C’est leur vie privée”, explique Me Daignault.
« Mes clients ne sont pas mauvais. Ce sont des bonnes personnes […] Tous les vaccins ne le sont pas. »
“Ils sont un peu rebelles, anxieux ou inquiets”, explique l’avocat, qui estime qu’on ne peut pas avoir les mêmes exigences d’un chiropraticien que d’un médecin.
“Je ne défends pas leurs idées. Mais je défends fermement leur droit d’avoir ces idées même si je ne les partage pas”, conclut Me Daignault.
RAPPORTS REÇUS
170 au Barreau du Québec
50 au Collège des médecins
8 dans l’Ordre des Psychologues
5 dans l’Ordre des thérapeutes respiratoires
4 dans l’Ordre des Dentistes
4 dans l’Ordre des administrateurs assermentés
19 cas dans d’autres ordres professionnels
Total : au moins 260*
*Plusieurs références peuvent faire référence au même praticien. Certains étaient sans fondement.
PROFESSIONNELS
12 chiropraticiens
2 experts-comptables
1 acupuncteur
1 avocat
1 infirmière auxiliaire
1 médecin
1 optométriste
1 psychologue
71 POLICE
28 à Terrebonne
21 à Longueuil
10 à Gatineau
5 au Québec
4 à Saguenay
1 à Laval
1 à Repentigny
1 à Sherbrooke
Source : Demandes d’accès à l’information faites par Le Journal aux corps policiers et aux ordres professionnels.
Plus de 70 policiers ont été prévenus
Au moins 71 policiers québécois ont été giflés pour non-respect des mesures sanitaires, alors que des agents de la paix ont été à plusieurs reprises chargés de les faire respecter.
“C’est ironique. C’est un peu comme dire : faites ce que je dis, mais pas ce que je fais », commente le policier à la retraite François Doré.
À Terrebonne, 28 policiers ont reçu des avis administratifs découlant de trois situations d’arrêt de travail, alors que ce petit corps policier n’en compte qu’environ 220.
À Longueuil, au moins 21 policiers ont été sanctionnés pour un motif similaire depuis le début de la pandémie.
Rassemblements interdits
À Gatineau, 10 policiers ont été sanctionnés, dont 8 en lien avec un rassemblement.
Comment se fait-il qu’ils aient été punis pour des événements qui se sont produits en dehors du travail ?
“Ils doivent servir de modèle. On ne peut pas défaire avec la main gauche ce que fait la main droite”, image de François Doré.
“En même temps, ce sont aussi des gens”, se souvient-il.
Au plus fort de la crise sanitaire, la police avait pour rôle de verbaliser les citoyens qui se rassemblaient en trop grand nombre ou défiaient les couvre-feux.
Pourtant, au moins 71 d’entre eux ont été avertis, sanctionnés ou ont fait l’objet d’une enquête interne en rapport avec les mesures sanitaires, selon les chiffres obtenus par Le Journal auprès de l’ensemble des forces de police.
Cependant, les chiffres ne sont pas exhaustifs, car les grands corps policiers comme la Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal n’ont pas fourni les leurs.
Certains traceurs
Maxime Ouimet, ancien policier
Il y a aussi eu quelques cas médiatisés de policiers qui ont démontré leurs convictions complotistes, comme celui de l’ancien agent Maxime Ouimet.
Il avait embarrassé la police de Laval avec ses postes avant de démissionner en octobre 2020. Il a également été reconnu coupable d’avoir harcelé une journaliste.
Trois agents de la Sûreté du Québec (SQ) ont également été mutés à des fonctions administratives après avoir participé en décembre 2021 à une rencontre des partisans du mouvement complotiste, publiée par Le Journal cet hiver.
Ils sont depuis retournés à leurs opérations d’origine, dit la SQ.
Des situations inédites en milieu de travail
Les employeurs ont dû faire face à des situations sans précédent sur le lieu de travail en raison de la pandémie, comme l’utilisation des listes téléphoniques du personnel à des fins de propagande ou des manifestations devant les écoles. « Bien sûr, il y a des organisations qui ont dû intervenir », dit Manon Poirier, présidente de l’Ordre des conseillers en RH, qui a entendu toutes sortes d’histoires. Par exemple, un employeur a dû sanctionner un employé qui avait utilisé l’annuaire téléphonique d’urgence pour envoyer un message texte à tout le personnel pour les confronter à ses idées de complot, dit Mme Poirier. “Mais il ne faut pas croire que tous les gens qui…