Ce nouveau type de trou noir, longtemps prédit par la théorie mais très difficile à détecter car bien caché, a été révélé après six ans d’observation avec le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili, selon une étude publié lundi dans Nature Astronomy. “Nous avons trouvé une aiguille dans une botte de foin”, a déclaré l’auteur principal Tomer Shenar dans un communiqué. Depuis trois ans, plusieurs candidats au titre de “trou noir endormi” avaient été proposés, mais aucun n’avait jusqu’ici été retenu par cette équipe internationale d’astronomes, surnommée la “police du trou noir” par l’ESO. L’heureux élu, une dizaine de fois la masse du Soleil, est caché dans le Nuage de Magellan, une galaxie naine proche de la Voie lactée. C’est comme la deuxième jambe d’un système binaire de deux étoiles en orbite dont l’une, morte, est devenue un trou noir et l’autre est toujours en vie. Les trous noirs de masse stellaire – incomparablement plus petits que leurs grands frères supermassifs – sont des étoiles dont les masses (entre 5 et 50 fois la masse du Soleil) en fin de vie s’effondrent sur elles-mêmes. Ces objets sont si denses et la force de leur gravité si forte que même la lumière ne peut s’en échapper : ils sont donc invisibles par définition. Les scientifiques peuvent cependant observer la matière flotter avant qu’elle ne soit engloutie là-bas… sauf quand le trou noir est “endormi”, au régime. Dans les systèmes binaires déjà observés, l’étoile devenue trou noir est suffisamment proche de son étoile compagne pour lui “voler” sa matière (on parle d’”accrétion”), Hugues Sana de l’Université de Louvain. (KU Leuven), Belgique, l’un des auteurs de l’étude. “Couple dansant” Ce matériau, une fois capturé, émet des rayons X, qui peuvent être détectés. Mais ici, le trou noir n’en émet aucune, et pour cause : « L’astre vivant (environ 25 fois la masse du Soleil) est suffisamment éloigné pour ne pas être mangé. Il reste actuellement en équilibre sur cette orbite”, qui dure 14 jours, poursuit l’astronome. Un équilibre qu’il n’arrive pas à maintenir, selon lui. “L’étoile vivante va grandir, et à ce moment, une partie de sa surface va être engloutie par le trou noir”, qui émettra alors des rayons X et sortira ainsi de sa dormance. Mais comment savez-vous qu’un tel objet existe? “Imaginez des danseurs se tenant la main, que vous observez dans le noir. L’un a un costume noir, l’autre un costume clair : on ne voit que la danse du second, mais on sait qu’il a un partenaire de danse, grâce à l’étude du mouvement”, explique Hugues Sana. En astronomie, tout comme Jupiter et le Soleil tournent l’un autour de l’autre, nous pouvons mesurer les masses relatives d’un système binaire en observant ces mouvements. Pour s’assurer que l’objet fantôme était bien un trou noir, les chercheurs sont passés par des éliminations, écartant plusieurs scénarios comme une étoile perdant son enveloppe. “La seule explication logique est qu’il s’agit d’un trou noir, car aucune autre étoile ne peut reproduire ces données d’observation”, résume le chercheur. Selon des modèles récents, environ 2 % des étoiles massives de notre galaxie sont susceptibles d’avoir un trou noir autour d’elles, soit environ 100 millions, selon Hugues Sana. “Actuellement, nous n’en connaissons qu’une dizaine, tous détectés grâce aux émissions de rayons X, il nous en manque donc quelques-uns !”