Suivez l’évolution de la septième vague avec nos graphiques Plus de 18 millions de Français ont droit à une deuxième dose de rappel (qui est généralement la quatrième, après deux doses initiales et une première dose de rappel). Il s’agit de personnes immunosupprimées, âgées de plus de 80 ans en mars et de plus de 60 ans en avril. Pourtant, dimanche 10 juillet, seulement 3,7 millions de secondes injections de rappel avaient été administrées, dont 3,2 millions par des personnes âgées de 60 ans et plus. Un constat qui commence à inquiéter le gouvernement, au moment où près de 129.526 cas positifs sont détectés quotidiennement en moyenne depuis une semaine. “La dynamique doit encore être renforcée”, a déclaré François Brown à l’Assemblée mardi. Le 1er juillet, les responsables d’Ehpad ont reçu une lettre inquiétante de la ministre sortante, Brigitte Bourguignon, concernant les niveaux de vaccination “apparemment insuffisants” de leurs résidents. Selon le ministère, seuls 51% d’entre eux avaient alors reçu leur deuxième rappel. Pascal Meyvaert, président d’une association de médecins coordonnateurs et de gériatres, est “extrêmement surpris” par ce chiffre. D’après les propos de ses membres en EHPAD, les refus sont rares. Comme d’autres, il soupçonne le ministère de ne pas compter les résidents récemment testés positifs au Covid-19, qui doivent attendre trois ou six mois (pour les moins de 80 ans) avant de recevoir une nouvelle dose de vaccin. Début juillet, plus de 3 millions de personnes éligibles au deuxième rappel se trouvaient dans cette situation. Cependant, la majorité des personnes concernées par cette campagne de vaccination n’ont pas sauté le pas. Les experts interrogés par franceinfo sont pourtant unanimes sur l’intérêt d’une nouvelle injection afin de renforcer une immunité qui décline avec le temps. Un mécanisme expliqué par Sandrine Sarrazin, immunologiste à l’Inserm : “En utilisant des lymphocytes dits “mémoire”, qui ont été activés au premier contact avec le virus par infection ou vaccination, les vaccins actuels continuent de très bien protéger contre les formes sévères de la maladie.” Sandrine Sarrazin, immunologiste à l’Inserm chez franceinfo Cependant, la vaccination seule ne suffira pas à endiguer la marée : les vaccins actuels, conçus pour cibler la souche originelle du Covid-19, sont moins efficaces pour prévenir les infections liées à des variants comme le BA.5, plus contagieux et désormais le majoritaire en France, France. Mais “le but n’est plus d’empêcher la circulation de ce virus, qui est souvent bénin”, précise l’épidémiologiste Yves Buisson. Il s’agit “de tout mettre en oeuvre pour que l’hôpital ne soit pas à nouveau saturé de cas graves difficiles à traiter”, juge le président de la cellule Covid-19 de l’Académie de médecine. Les Français éligibles à ce second rappel, et donc ayant reçu les doses précédentes, connaissent a priori l’intérêt de la vaccination. Mais sur le terrain, les médecins font face à de nouvelles résistances. “Ce matin, une de mes patientes a refusé le vaccin parce qu’elle avait peur. Pourtant, elle n’a eu aucun effet secondaire après les injections précédentes”, raconte Agnès Giannotti, présidente du syndicat généraliste MG France. Selon les propos de ses collègues, les candidats “se battent aux portes” dans certaines zones rurales. Mais dans son bureau d’un quartier populaire de Paris, elle craint de devoir jeter une partie de la bouteille entamée faute de bénévoles. “Les gens sont dans le déni”, acquiesce Pascal Meyvaert. “Pendant les vacances, ils veulent penser à autre chose. La raison est : “Je le ferai quand c’est obligatoire.” Pascal Meyvaert, médecin coordinateur en Ehpad chez franceinfo Comment les convaincre de ne pas attendre ? “L’information et l’explication restent les principales solutions”, a déclaré Emmanuel Rusch, président de la Société française de santé publique. L’épidémiologiste s’étonne du “plus” dans le discours des autorités : “On peut parler de fatigue mais, si on ne se mobilise pas, on donne le sentiment qu’on peut tourner la page de l’épidémie.” Un constat partagé par Yves Buisson : “Bien sûr, la guerre en Ukraine et les élections ont mobilisé les médias et l’attention, mais il fallait préserver les messages essentiels”, tant sur les mesures barrières que sur la vaccination. L’idée de proposer cette dose de rappel à tous les âges, pour maximiser la couverture vaccinale, est de plus en plus discutée. “Maintenant qu’on a des doses pour tout le monde, je me demande pourquoi on respecte le même ordre qu’au début de la vaccination, s’interroge Sandrine Sarrazin. On devrait pouvoir en proposer à tout le monde.” D’autant que le risque ne se limite pas aux personnes âgées, rappelle l’immunologue : “On s’est rendu compte que certains patients sont génétiquement prédisposés à avoir des formes sévères ou des Covid de longue durée.” “Ce n’est pas maintenant que je vais lancer la campagne”, répond Michaël Schwarzinger, médecin au CHU de Bordeaux, auteur de plusieurs études sur les comportements vis-à-vis de la vaccination. Il craint qu’au milieu des vacances, les jeunes ignorent les appels. “Pour eux, ce n’est pas une urgence”, acquiesce Yves Buisson, qui pense qu’il est plus utile pour les jeunes adultes en bonne santé d’attendre l’automne et les vaccins “de deuxième génération” destinés à lutter contre les nouvelles variantes du virus. “En cas de rappel, avec les nouveaux vaccins, adaptés au variant BA.1, les résultats montrent deux à trois fois plus d’anticorps pour Pfizer et cinq fois plus pour Moderna”, note Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus. et l’immunité de l’Institut Pasteur. Mais ces résultats doivent encore être confirmés par des analyses indépendantes. Et tu dois déjà « Mettez-les en perspective »prévient le chercheur : depuis leur capture, le variant BA.1 a été remplacé par le BA.5, encore plus résistant aux anticorps. L’urgence est en revanche plus grande pour les personnes de moins de 60 ans présentant des comorbidités. Lors des précédentes campagnes de vaccination, la priorité était donnée aux porteurs de maladies pulmonaires, cardiaques ou souffrant de diabète. Aujourd’hui, à moins qu’ils ne soient immunodéprimés, ils n’ont pas droit à un deuxième rappel, contrairement à ce que la Haute Autorité de santé recommandait en mai. Grave erreur aux yeux d’Yves Buisson. “Les personnes qui ont des comorbidités devraient être éligibles ! Nous n’en discutons pas et je ne peux pas l’expliquer. Pour moi, c’est une erreur injustifiée.” Yves Buisson, épidémiologiste chez franceinfo D’autant plus que la raison des autorités est ambiguë. Mardi, le ministre de la Santé a également évoqué “les personnes atteintes de pathologies chroniques” parmi celles auxquelles la vaccination est ouverte, contredisant les informations disponibles sur le site de son ministère (à une question, le cabinet ne nous a pas répondu). Alain Fischer, président du comité consultatif sur la stratégie vaccinale, a même confirmé le 30 juin à France Inter que “si quelqu’un veut obtenir sa quatrième dose et qu’il n’a pas 60 ans, il peut le faire”, n’ayant jamais eu une telle éligibilité annoncée. En pratique, certains médecins expliquent à franceinfo qu’ils injecteront un jeune patient qui en a besoin, mais d’autres rappellent le risque judiciaire qu’ils encourent en cas de problème. Une autre classe stratégique reste également en dehors de la campagne de vaccination pour le moment. “A mon avis, les soignants bénévoles devraient être vaccinés avec le deuxième rappel, surtout en cas d’urgence”, plaide Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie au CHU de Bordeaux. Pas tant pour éviter la transmission que pour économiser les congés maladie dans des établissements qui, comme le sien, manquent déjà cruellement de personnel. “En ce moment, ça tombe comme des mouches”, dit-il. Paradoxalement, le déclenchement de l’infection pourrait être le meilleur allié des vaccinateurs au début de l’été. “Quand les médias expliquent pendant un mois que les unités de soins intensifs sont pleines de personnes âgées, les patients iront chercher leur quatrième dose”, estime Michaël Schwarzinger. “Depuis quinze jours, c’est vrai que j’ai eu des patients qui, lors des consultations, me demandaient une dose de rappel”, se réjouit Pascal Meyvaert. Un jitter commence à apparaître dans les courbes de nombre d’injections. Mais qui est loin de ressembler à une vague.