En effet, Marlène Schiappa ne faisait pas partie du premier gouvernement d’Elisabeth Borne. Entre le lancement de son nouveau livre C’est un bon état cette ministre ?, sa tournée de dix jours à New York “à la rencontre de personnalités du monde féministe”, son intervention dans une émission de radio hebdomadaire et une entreprise sociale dans le domaine de l’égalité femmes-hommes , cette dernière ne chôme pas et le fait savoir sur sa page Instagram. Marlène Schiappa assiste à la finale de Roland Garros, pose avec la féministe américaine Gloria Steinem à New York, participe à la Gay Pride avec des policiers LGBT et profite pleinement de sa nouvelle vie d’ancienne ministre. Officiellement, elle ne souhaitait pas participer aux élections législatives pour, comme elle l’a dit, « rester cohérente avec son parcours informel et revenir dans la société civile ». Même si, selon une source interne à La République en marche, “il était très hésitant”. Marlène Schiappa était principalement attendue dans le 7e arrondissement de Paris. En fait, le virus de la politique ne l’a jamais quittée. Et le 4 juillet, grâce au remaniement, Marlène Schiappa est revenue au gouvernement comme ministre déléguée à l’Économie sociale et solidaire et à la Vie coopérative. Le week-end précédant l’annonce du gouvernement, l’ancienne femme d’affaires a assisté au mariage de sa sœur à Pierre-de-Bresse (Bourgogne). Les réjouissances battent leur plein lorsqu’il reçoit “plusieurs coups de fil”. Au bout du fil : le président de la République et le Premier ministre. Elle qui “avait dit à des amis ministres qu’elle ne reviendrait pas au gouvernement car elle créait une entreprise sociale” n’a pas résisté longtemps à la proposition du pouvoir exécutif. “Quand le président et le premier ministre m’ont proposé ce portefeuille, moi qui avais été président d’une association pendant dix ans et plusieurs fois homme d’affaires, j’ai accepté avec beaucoup d’enthousiasme !” Marlène Schiappa chez franceinfo Mais pour de nombreux acteurs et observateurs de la vie politique, ce portefeuille est surtout un prétexte pour se souvenir, de l’aveu de l’entourage d’Elisabeth Borne, “d’une femme politique avec des convictions qui était dès le début en macronie”. En d’autres termes : « C’est un bon soldat », disait un ministre. “Son portefeuille est un alibi, mais il permet d’avoir un politicien qui peut défendre la politique du gouvernement.” Conseiller ministériel chez franceinfo “Elle a été recrutée pour ce qu’elle est : c’est la sniper du président, capable de défendre n’importe quelle mesure, y compris celles qui vont à l’encontre de ses anciennes positions”, décrypte un ancien membre de son cabinet, qui parle encore “d’un porteur d’armes efficace, inébranlable”. fidélité” à Emmanuel Macron. Sa nomination au gouvernement était-elle dans les cartons depuis son départ en mai ? “Certains en parlent depuis longtemps”, raconte un conseiller ministériel. « Son retour était prévu : elle a trop de poids politique pour être laissée de côté, elle a plein de macronisme. Là, il est à Matignon, sans aucune direction, ni rien. Le but est de l’éliminer lorsqu’elle ira défendre le président. « Marlène Schiappa est en effet liée au premier ministre et non à Bercy, comme il est de coutume. Au cours de sa pause de six semaines, elle n’a jamais rompu ses liens avec la majorité. “Je suis restée en contact avec presque tout le monde”, se vante Marlène Schiappa. D’Elisabeth Borne à Yael Braun-Pivet, en passant par Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l’Elysée, et Brigitte Macron, cette dernière compile une liste de personnalités macroniennes avec lesquelles elle a échangé depuis son départ du gouvernement. Son retour, cependant, divise au sein de la macronie elle-même. “Je remets en cause la nomination de Madame Ciappa. Son style n’est pas synonyme d’apaisement et de dialogue !” craint un membre de la majorité. Un autre explique que la ministre est “généralement peu appréciée des députés de la majorité à cause de son ego et du fait qu’elle passe plus de temps dans les médias qu’à travailler sur des dossiers”. “Nous avons besoin d’élus sur le terrain, pas d’élus de la télévision.” Membre de la majorité chez franceinfo Patrick Vignal, député de l’Hérault, n’est pas tout à fait de cet avis. Selon lui, “Marlène Schiappa fait bouger les choses, ce qui est rare en politique ! Parfois, elle a été politiquement incorrecte, mais je l’aime bien. Faire de la politique, c’est aussi prendre des risques.” Les médias, c’est le carburant de Marlène Schiappa, qui fut l’une des premières ministres à se rendre sur le plateau de Cyril Hanouna. “La lumière l’attire et le bad buzz fait toujours le buzz parce qu’on aura parlé d’elle”, soupire une ancienne membre de son cabinet. Mais pour d’autres, c’est justement un atout pour le dispositif, surtout en cette période de majorité relative au Parlement. “Elle fait partie de ces ministres qui ont réussi à franchir le mur du son dans les médias et à s’identifier à un enjeu, assure une députée macroniste. Tous les ministres qui pourront la remplacer sur l’égalité femmes-hommes seront elle.” “Quand on veut faire entrer des causes dans le débat public, il faut passer par les médias. Cela donne une force de frappe énorme pour mettre des sujets à l’ordre du jour.” Marlène Schiappa chez franceinfo “La politique oui, mais elle communique aussi le fait que nous le faisons”, affirme un député de la majorité. Il faudrait plus de Marlène Schiappa.” Dans l’opposition, certains ne sont pas loin de penser la même chose. “Je le combat politiquement, mais je comprends qu’Emmanuel Macron le choisisse”, avoue Alexis Corbière, député La France insoumise de Seine-Saint- Denis. “C’est une macroniste combative et elle a la capacité de briller par rapport aux autres ministres du gouvernement.” Alexis Corbière, député LFI chez franceinfo “Ce sera aussi un combat parlementaire pour les cinq prochaines années et il fait partie des personnages capables de boxer”, ajoute ce proche de Jean-Luc Mélenchon. Mais d’autres se sont moqués de sa nomination, comme la députée RN Edwige Diaz : “Maintenant, elle est en charge des syndicats, mais quand je vois le mécontentement des syndicats féministes sur son bilan et le fait qu’elle a coupé les ponts avec eux.. .” “Emmanuel Macron ça récompense sa loyauté mais pas sa vision politique – qu’il n’a pas”, attaque-t-elle une députée de gauche de son côté. “La mettre dans des associations aujourd’hui, c’est comme mettre un chasseur en termes d’animaux. Elle passera son temps à outiller des associations.” Un député de gauche chez franceinfo “Je ne sais pas à quel point elle parlera d’économie sociale et solidaire”, nuance toutefois un ancien membre de son cabinet, qui souligne également que “son étoile s’est estompée”: “Elle est en bas du protocole et un nouveau ministre des Affaires étrangères et non un ministre ou un sous-ministre . A ces critiques, Marlène Schiappa oppose sa détermination : “Les premières semaines je les tire tous pour écouter et comprendre les attentes !” Sa nouvelle vie d’ancienne ministre attendra. Tous ses projets sont désormais suspendus. Elle, qui s’apprêtait à signer avec une radio, va désormais se déplacer sur tous les plateaux au sein de l’équipe d’Elizabeth Bourne. “C’est compliqué de se passer de Schiappa. C’est mieux de l’avoir au gouvernement”, conclut un député de l’opposition.