L’ambiguïté demeure, dimanche 10 juillet, au Sri Lanka, où le président Gotabaya Rajapaksa a accepté de se retirer la semaine prochaine après avoir été chassé de sa résidence prise d’assaut par la foule. Les partis politiques d’opposition sri-lankais doivent se réunir dimanche pour se mettre d’accord sur un nouveau gouvernement. Les États-Unis ont exhorté les futurs nouveaux dirigeants du pays à “travailler rapidement” sur des solutions pour rétablir la stabilité économique et répondre au mécontentement populaire face à la détérioration des conditions économiques, “y compris les pénuries d’électricité, de nourriture et de carburant”, a déclaré le porte-parole du département d’État. A lire aussi : L’article est pour nos abonnés Sri Lanka, une île à la dérive
Démissions en cascade
À la suite de manifestations massives à Colombo déclenchées par la crise économique du pays, le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a cherché à ouvrir la voie à un gouvernement d’union nationale en convoquant d’urgence samedi un conseil des ministres de crise. avec les partis d’opposition auxquels il a participé a remis sa démission. Mais cela n’a pas suffi à apaiser la colère des manifestants qui dans la soirée ont assiégé sa résidence, en son absence, et y ont mis le feu, sans faire de blessé. Un député de l’opposition, Mathiaparanan Abraham Sumanthiran, s’est dit optimiste sur le fait que l’opposition serait en mesure de rassembler les 113 membres nécessaires pour obtenir une majorité au Parlement et exiger la démission du président à partir de ce dimanche. Son départ a déjà été annoncé samedi par le président du Parlement, Mahinda Abeywardana, expliquant que “pour assurer une transition pacifique, le président a déclaré qu’il démissionnerait le 13 juillet”. Si le président et le premier ministre démissionnent, le président de la Chambre des représentants, Mahinda Yapa Abeywardena, assumera la présidence par intérim, conformément à la Constitution. Deux proches du président ont démissionné sans tarder : le chef du service de presse, Sudewa Hettiarachchi, et le ministre des médias, Bandula Gunawardana, qui a également quitté le poste de chef du parti présidentiel.
Le président “escorte à la sécurité”
Auparavant, le président Rajapaksa, sur la sellette depuis des mois, avait pris la fuite avant que plusieurs centaines de manifestants n’entrent dans le palais présidentiel, bâtiment symbolique habituellement réservé aux réceptions mais où il s’était installé en avril après l’attaque de son domicile privé. “Le président a été escorté en lieu sûr”, a indiqué à l’AFP une source de la défense. Les soldats qui gardaient la résidence officielle ont tiré en l’air pour empêcher les manifestants de s’approcher du palais jusqu’à ce qu’il soit évacué. Selon cette source, le président est monté à bord d’un navire militaire à destination des eaux territoriales du sud de l’île. Les chaînes de télévision locales ont montré des images de centaines de personnes escaladant les portes de son palais. Les manifestants ont ensuite diffusé des vidéos en direct sur les réseaux sociaux de la foule entrant, certains faisant la fête dans la piscine présidentielle ou les chambres. Les manifestants ont également occupé les bureaux présidentiels à proximité devant lesquels les manifestants avaient campé pendant trois mois. À l’intérieur de la maison présidentielle. #SriLanka #SriLankaProtests https://t.co/e49jeDIldv – Jamz5251 (@Jamila Husain)
Une crise sans précédent
Les manifestations appelant à la démission de M. Rajapaksa ont attiré des centaines de milliers de personnes samedi, les manifestants forçant même les autorités ferroviaires à les transporter par train alors que le pays manque d’essence. Trois personnes ont été blessées par balle lorsque la police a tenté de disperser la foule qui s’était rassemblée dans le quartier administratif de la capitale, à l’aide de plusieurs grenades lacrymogènes. Selon les autorités, environ 20 000 militaires et policiers avaient été envoyés à Colombo pour protéger le président.
Des manifestants nagent dans une piscine de la résidence officielle du président après l’avoir prise d’assaut, à Colombo, Sri Lanka, le 9 juillet 2022. AP
Autrefois pays à revenu intermédiaire avec un niveau de vie envié par l’Inde, le Sri Lanka a été dévasté par la perte de revenus touristiques à la suite d’une attaque djihadiste en 2019 et de la pandémie de Covid-19.
Lire aussi : L’article est pour nos abonnés Au Sri Lanka, la crise politique s’éloigne, la crise économique s’intensifie
La crise sans précédent depuis l’indépendance en 1948 pour cette île de 22 millions d’habitants a été exacerbée, disent les économistes, par une série de mauvaises décisions politiques. La course présidentielle, au pouvoir depuis 2005, est tenue pour responsable de cette situation par la population.
Inflation galopante, pénuries, le Sri Lanka n’a pas tout : essence, électricité, nourriture, médicaments. Le pays négocie un plan de sauvetage avec le Fonds monétaire international (FMI), qui pourrait imposer des augmentations d’impôts. Les Nations Unies estiment qu’environ 80% de la population ne peut pas se permettre trois repas par jour.
Le Monde avec AP et AFP