Posté à 5h00
Caroline Touzin La Presse
« Que fait un médecin pour l’environnement ? » Ou le classique : « Vous devriez traiter les gens. » Claudel Pétrin-Desrosiers reçoit souvent de tels commentaires après une intervention médiatique. A 30 ans, la jeune femme commence tout juste à pratiquer la médecine. Et pourtant, son expertise est déjà sollicitée partout. Les universités l’invitent à donner des conférences. Lui qui possède également une maîtrise en environnement apparaît souvent à la télévision. Il signe des lettres ouvertes aux journaux. « Si j’apprenais que tu as une maladie grave, mais que je ne te le dis pas, tu serais en colère contre moi, hein ? demande le médecin lors d’une récente conférence TEDx, qui peut se résumer ainsi : parler du changement climatique peut sauver des vies. Le Dr Pétrin-Desrosiers n’hésite pas à critiquer sur les réseaux sociaux les partis politiques qui prennent des décisions nuisibles à l’environnement et à la santé humaine. «Oui, on galère un peu parfois», confie celui qui s’entraîne depuis quelques mois au CLSC d’Hochelaga-Maisonneuve. Car oui, elle guérit aussi les gens, n’en déplaise à ses détracteurs. Ce n’est pas dit sur un ton ironique. Ou même défier. Quand les décideurs privilégient l’économie à la santé de la population, le scientifique refuse de se taire. À ses yeux, cela fait partie de son rôle de médecin. Je suis très actif dans les réseaux et dans les médias parce que la science nous dit qu’il faut des gens pour faire ce lien entre la santé et les changements climatiques. Il est prouvé qu’il augmente la volonté d’agir sur le climat. Dr Claudel Pétrin-Desrosiers En avril dernier, dans la même semaine, le gouvernement du Québec approuvait une augmentation de la limite d’émission atmosphérique pour le nickel, et le ministre fédéral de l’Environnement et ancien militant écologiste Steven Guilbeault annonçait le lendemain qu’il avait approuvé le mégaprojet pétrolier de la Baie du Nord, il déploré. ” [Cette semaine-là]Je me suis dit : “J’ai besoin d’une pause”, dit-elle avant d’éclater de rire. Si elle rit, c’est parce qu’elle n’est pas du genre à faire une pause malgré les mauvaises nouvelles climatiques. Sans même ralentir. Même dans son débit. La jeune femme parle très vite. Comme s’il avait peur de manquer de temps pour transmettre un sentiment d’urgence.
En médecine par hasard
Claudel Pétrin-Desrosiers a choisi la médecine “par hasard”. Un professeur de lycée lui avait recommandé le domaine. Dans sa famille, il n’y a pas de scientifique. Mais elle a un modèle de persévérance scolaire : sa mère. La fille de cet agriculteur — la 10e de 12 enfants — a quitté la terre familiale pour suivre des cours de secrétariat. Ensuite, il se passionne pour les études. “Ma mère a terminé le lycée alors que j’étais en 4e secondaire”, raconte le médecin sur un ton admiratif. À l’École de médecine de l’Université de Montréal, la jeune femme de Gatineau a eu l’impression d’avoir atterri sur une autre planète. “Environ 50% – peut-être plus – des élèves de la classe avaient des parents médecins”, dit-il. Parler de drogue, pour eux, était une évidence. Je, j’ai dit : “Allez, c’est censé faire partie de mes connaissances de base ?” » Il se demandait souvent ce qu’il faisait là. Elle n’est même presque jamais devenue médecin après avoir échoué à un cours de cardiologie et à ses retests – d’un point de pourcentage ! Techniquement, cela l’a disqualifié du programme. Les responsables de l’école lui ont alors recommandé de se réorienter. En même temps, on lui reproche de ne pas mettre ses énergies au bon endroit. À l’époque, il était très impliqué dans une association d’étudiants en médecine qui tissait des liens entre la santé communautaire, la santé mondiale et les droits humains. Cet engagement est sa “bouffée d’air frais” pour mener à bien ses études exigeantes, affirme-t-elle. Il bénéficie d’une année sabbatique. J’ai été rapidement confronté au fait qu’il y avait une médecine qui était très clinique, puis on a un peu oublié le rôle social et politique des médecins. Dr Claudel Pétrin-Desrosiers Il deviendra vice-président externe de la Fédération internationale des syndicats d’étudiants en médecine. Son mandat l’amènera au siège de l’Organisation mondiale de la santé à Genève et à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques au Pérou. Après son congé sabbatique, elle doit recommencer sa deuxième année de médecine (même les cours qu’elle a réussis). S’il échoue à nouveau, c’est fini. Plus tard dans sa carrière, lorsqu’elle choisit sa majeure, tout le monde la voit, y compris elle-même, en santé publique. Nouvel échec : il n’a plus l’une des rares places disponibles. Elle doit retourner à son deuxième choix : la médecine familiale. “Honnêtement, je suis tellement contente de ne pas être allée dans la santé publique”, dit-elle en regardant en arrière. « J’ai la liberté de dire ce que je veux, ce qui dépend de ma propre crédibilité. Ils ne sont pas soumis aux autorités gouvernementales », poursuit-il. L’entrevue se déroule au sous-sol d’un édifice de l’Université de Montréal, un beau vendredi de juin. Anime un symposium sur la santé durable. “Le meilleur médicament pour l’environnement est celui que l’on ne prescrit pas”, déclare-t-il au public, majoritairement composé de collègues plus âgés. La déclaration soulève un sourcil ou deux. Elle les encourage également à se joindre au mouvement Prescri-Nature qu’elle a créé au Québec avec ses collègues. L’idée est d’initier leurs patients à l’exposition à la nature. La veille, la jeune médecin a donné une conférence similaire au CHUM – qui vient de s’engager à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. Loin de tomber dans un « optimisme naïf », elle voit dans ce genre d’engagement le signe que l’urgence climatique devient et plus perceptible. Du moins dans le secteur de la santé. Sa “plus grande inspiration vivante” est un médecin australien appelé Nick Watts. Au début du compte à rebours du Lancet – un rapport majeur publié chaque année par la prestigieuse revue médicale sur la relation entre la santé humaine et le changement climatique – le jeune scientifique est devenu responsable du développement durable pour le réseau de santé britannique (NHS). Le NHS vise à être le premier réseau de soins de santé au monde à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. Il y a beaucoup de personnes en position de pouvoir qui ne réalisent pas l’ampleur de la situation parce qu’elles n’ont pas été correctement informées et formées en la matière. Dr Claudel Pétrin-Desrosiers
La réalité brute
Ses patients d’Hochelaga-Maisonneuve lui rappellent chaque jour pourquoi elle a choisi de ne pas se taire. L’autre jour, un enfant de 3 ans est venu dans son cabinet pour la consulter au sujet de l’asthme. La petite fille habite près de la rue Notre-Dame, où il y a beaucoup de circulation automobile. “Quand on parle de pollution et après l’augmentation des camions à Notre-Dame à cause de Ray-Mont Logistiques, c’est un petit comme lui qui peut se retrouver aux urgences avec des crises. asthme. C’est extrêmement spécifique », dit-il. Dr. Pétrin-Desrosiers est présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement. À ce titre, il apparaît régulièrement dans l’actualité. Il vient de demander une audition au Bureau des audiences publiques environnementales sur l’ensemble du projet Ray-Mont Logistiques. Un projet qui selon l’Association va créer un îlot de chaleur et une augmentation inéluctable de la pollution de l’air avec l’augmentation des camions.
acte de rébellion
Est-elle écologiquement concernée ? nous lui demandons. “C’est normal de s’inquiéter pour l’avenir, répond-il…